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Conférences de Solange Anastasia Chopplet
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31 octobre 2021

ARISTOTE - L’ETONNEMENT

ARISTOTE  - PHYSIQUE ORIGINE DE LA PHILOSOPHIE : L’ETONNEMENT

 

Dans ce passage extrait de la « Physique » (1) son auteur, Aristote, se propose de caractériser la philosophie en  en indiquant l’origine, la nature et la fin.

Pour ce faire il la distingue du mythe et en filigrane de toutes les techniques oratoires qui ont une fin utilitaire pour finalement la définir comme une science libérale.

Son argumentation logique procède selon un syllogisme qui en trois propositions établit que la philosophie est née de l’étonnement et du désir de surmonter l’ignorance ainsi dévoilée, en vue du seul savoir, ce qui in fine en fait une discipline libérale.

C’est ce cheminement que nous nous proposons d’étudier afin de dégager l’intérêt philosophique du texte qui a pour enjeu d’établir la nécessité de la philosophie.

D’emblée Aristote pose que l’origine de la philosophie serait l’étonnement entendu au sens propre comme le coup de tonnerre qui au lieu de sidérer voire terroriser, inquiète, c’est à dire met en mouvement.

Mais  on  peut fort bien s’étonner sans qu’il s’ensuive quoi que ce soit. Cet étonnement est donc d’une espèce particulière puisqu’il a pour présupposé l’ignorance dont il permet de prendre conscience. Mais suffit-il de se savoir ignorant pour vouloir surmonter cet état ?

Point encore. A la différence du naïf ou du sophiste, l’étonnement du philosophe génère la soif de dépasser celui-ci ce qui définit l'essence même de la philosophie à savoir l’amour, qui est cheminement et non possession du savoir et de la sagesse.

Ceci étant établi on comprend pourquoi les physiologoï, ou premiers penseurs dont Empédocle, Thalès, Pythagore, émirent des hypothèses quant à l’origine du réel, des astres et de l’univers . Ils prenaient ainsi le relai des muthologoï qui explicitaient, comme Hésiode, ces phénomènes au moyen de récits merveilleux où intervenaient les dieux. Certes cela manifestait un désir de comprendre et d’expliquer mais bien que le mythe donne à penser et fasse sens,  ne mettait pas à l’abri de l’ignorance.

A contrario les premiers penseurs cherchèrent des explications rationnelles mettant à l’ecart les caprices des dieux. Dès  lors  ils substituèrent le logos au muthos et instaurèrent le règne des sciences et de la philosophie.

Mais il ne suffit pas que la philosophie soit quête de savoir, après tout les sophistes aussi sont des sophoï, des savants, mais leur savoir a une fin utilitaire : apprendre à manier le langage afin de se défendre, d’attaquer, d’avoir raison même si le prix à payer  est la vérité.

C’est pourquoi Aristote insiste sur le fait que la philosophie n’a pas de fin utilitaire, c’est-à-dire n’est pas au service d’une fin dont elle serait le moyen comme on peut le voir actuellement dans des entreprises utilisant les services d’un philosophe à titre de coach.

Du reste, précise Aristote, pour confirmer ses dires, la philosophie est véritablement apparue et ne peut apparaitre que dans une société suffisamment riche et organisée comme ce fut le cas dans la Grèce de Périclès où Athènes vit fleurir la démocratie, la philosophie, le théâtre et la sophistique. Car l’objet de la philosophie ce sont des spéculations et non des problèmes pratiques de survie, c’est-à-dire des hypothèses métaphysiques sur la réalité qui sont à leur tour objet de questionnements critiques.

On comprend dès lors qu’Aristote peut conclure sur ce qui est essentiel pour la philosophie : l’autonomie, ou loi que l’on se donner à soi-même.

Qu’est-ce à dire?

Aristote  y répond en trois étapes : l’absence d’intérêt étranger ; être à soi-même sa fin ; ne pas exister pour un autre, pour conclure que la philosophie est une science entendons une discipline libérale.

Ce faisant il définit la liberté, être à soi-même sa propre fin, autrement dit ne pas être un moyen en vue d’une fin extrinsèque qui agit de façon contraignante en tant que cause hétéronome.

L’essentiel est là tant pour l’homme qui n’est libre que parce qu’il est à soi-même sa fin que pour la philosophie. Ainsi comprend-on que la philosophie est consubstantielle à l’homme qui se veut libre, libre de cheminer, de surmonter son ignorance, de s’arracher aux besoins utilitaires pour se livrer à la spéculation qui fait d’un être humain un homme et le distingue de tout autre être.

Ne pas penser sous ces conditions, c’est renoncer à être un homme.

 Ainsi Aristote dans ce court passage nous décrit l’homme comme un aventurier amoureux du savoir, et ce faisant de la liberté. Son texte bien que du IVème siècle avant Jésus Christ est de la plus parfaite actualité, car il nous invite à réfléchir personnellement sur ce que nous entendons par liberté et sur les propositions que le politique comme la société nous font et que nous faisons nous-mêmes par nos choix. L’heure est-elle encore au bonheur du savoir désintéressé?

 

 ANASTASIA CHOPPLET

Conférencière et philosophe

 

  

(1)

« C’est, en effet, l’étonnement qui poussa, comme aujourd’hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques. Au début, leur étonnement porta sur les difficultés qui se présentaient les premières à l’esprit ; puis, s’avançant ainsi peu à peu, ils étendirent leur exploration à des problèmes plus importants, tels que les phénomènes de la Lune, ceux du Soleil et des Etoiles, enfin la genèse de l’Univers. Or apercevoir une difficulté et s’étonner, c’est reconnaître sa propre ignorance (c’est pourquoi même l’amour des mythes est, en quelque manière, amour de la Sagesse, car le mythe est un assemblage de merveilleux). Ainsi donc, si ce fut bien pour échapper à l’ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie, c’est qu’évidemment ils poursuivaient le savoir en vue de la seule connaissance et non pour une fin utilitaire. Et ce qui s’est passé en réalité en fournit la preuve : presque toutes les nécessités de la vie, et les choses qui intéressent son bien-être et son agrément avaient reçu satisfaction, quand on commença à rechercher une discipline de ce genre. Je conclus que, manifestement, nous n’avons en vue, dans notre recherche,  aucun intérêt étranger. Mais, de même que nous appelons libre celui qui est à lui-même sa fin et n’existe pas pour un autre, ainsi cette science est aussi la seule de toutes les sciences qui soit une discipline libérale, puisque seule elle est à elle-même sa propre fin. »

 

Aristote  - Physique

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