OLYMPE DE GOUGES 1748 – 1793
OLYMPE DE GOUGES 1748 – 1793
Olympe de Gouges qui n’est à la « une » que depuis quelques années est une personne dont on a fait un personnage haut en couleur, déterminé, voire têtu, courageux jusqu’à l’intrépidité, réactif plus que réfléchi, engagé et même jusqu’au boutiste, ne craignant pas les positions contradictoires ni les joutes oratoires. On en fait une féministe avant l’heure sans qu’elle-même ne revendiquât jamais de différences ni de droits spécifiquement féminins. Au contraire elle voulait que l’égalité régnât, que l’on soit femme, esclave, bâtard, misérable, vieux.
Elle fut une femme debout, campée sur ses jambes de terrienne, résistant aux conventions fondées sur des préjugés de genres, de situations sociales, de naissance.
Sa vie, elle l’a prise en main à une époque où un double déterminisme sévissait, celui de la naissance et celui du genre. Or elle état bâtarde et femme, et en tant que telle vouée au mépris et au mariage. Elle lutta contre l’un sur le plan juridique et contre l’autre en refusant de se remarier après des épousailles malheureuses et un soudain veuvage, Louis Yves Aubry s’étant noyé en voulant sauver quelqu’un.
Désormais libre, elle quittera Montauban pour s’installer à Paris. Là, la provinciale qui ne parle même pas français, doit faire ses classes rapidement à une époque où seuls les garçons bénéficient d’une éducation et encore dans les familles aisées. Quant aux filles, elles vont dans le meilleur des cas dans un couvent pour y apprendre à tenir leur futur rôle dans le monde (1).
Cependant quelques femmes ont pignon sur rue et depuis le XVIIème siècle ouvrent des Salons, tels celui de la Duchesse de Rambouillet, de Mme de Scudéry, puis de Mrs du Deffant, Mrs du Chatelet , ou Sophie Volant…
Dans ces Salons que d’aucuns qualifient de précieux, on parle science, littérature, politique. On y apprend les bonnes mœurs, l’homme s’y fait tendre. Des femmes s’y révèlent écrivaines, scientifiques, philosophes.
C’est là qu’Olympe de Gouges fera son éducation sous la houlette de Condorcet (2). . Mais ce ne sera pas sans mal, car si elle est motivée et intelligente, il lui manque la diction, et aussi lorsqu’elle écrira et elle écrira beaucoup, le style et l’orthographe. Elle fera du reste appel à des secrétaires.
Sa vocation littéraire est si forte qu’elle préfèrera le scandale d’une union libre avec Biétrix de Rozières plutôt que de s’aliéner dans une vie bourgeoise. Elle éleva donc seule son fils Pierre Aubry de Gouges grâce en partie au soutien financier de Biétrix qui fut son ami jusqu’à sa mort.
On ne peut donc pas rêver personnage plus marginal qu’Olympe de Gouze qui décida de se rebaptiser Olympe de Gouges.
Existentialiste avant la lettre, son existence était toute entière devant elle et elle entendait bien en faire son destin.
De sa bâtardise elle tira trois conséquences. L’une, la reconnaissance juridique des enfants par leur père ; l’autre le droit de divorcer (3) ; la dernière sa vocation littéraire qu’elle devait tenir de son père Le Franc Marquis de Pompignan , mais de l’admiration qu’elle luivouait, elle ne tira, lorsqu’elle le revit, qu’indifférence. Elle n’était qu’un accident.
Sa famille, elle la choisira, ce seront Condorcet, Mercier, Chevalier de Saint Georges métis et musicien. On le nommait le Mozart noir.
Mais sa vie la décrédibilise, on la calomnie, la traite de libertine voire d’hystérique (4). On lui reproche des dépenses somptuaires, alors qu’elle proposera un impôt volontaire sur les richesses, parures, carrosses et chevaux. De toutes façons, son pire ennemi est elle-même, elle est femme et de ce fait si on la tolère, on ne reconnaitra aucune intelligence politique, et ses engagements comme ses propositions de réforme seront vouées à l‘échec.
Mais qu’importe, il n’est point besoin d’être assuré du succès pour entreprendre, et elle ira d’entreprises en entreprises, s’essayera à différents genres et actions mais toujours avec la même finalité : la défense de la liberté et de l’égalité.
I – La dramaturge (5)
Eprise de théâtre, elle monta sa propre troupe pour laquelle elle écrivit une trentaine de pièces. Comme il était de coutume à l’époque, elle les teste d’abord dans les Salons, son fils est l’un des comédiens, puis elle tente d’être jouée à la Comédie Française, sans succès. Les obstacles se multiplient.
Beaumarchais qu’elle admire, crie au plagiat avec sa pièce, « Le Mariage inattendu ». Elle se heurte à l’emprise masculine sur le théâtre. Notons que depuis 1680, 2627 pièces sont au répertoire de la Comédie Française dont 70 écrites par des femmes.
Les conditions, drastiques, étaient les suivantes :
- première lecture devant un jury qui accepte ou non la pièce
- si la deuxième représentation n’est pas lucrative, on cesse
- le texte demeure la propriété de la Comédie Française avec interdiction de la jouer ailleurs.
Malgré sa détermination, ses pièces ne franchirent pas le cap de la deuxième représentation. Mais elle n’en a cure, elle écrit pour le peuple non pour la gloire.
C’est dire que son théâtre est engagé comme en témoigne « Zamor et Mirza ou l’Heureux naufrage » qui s’inscrit dans la veine de la dénonciation de l’esclavage des nègres. Elle adhère du reste à l’Association des Noirs créée en 1787.
Elle ferraillera quatre ans avec la Comédie Française mais la pièce ne tiendra que trois représentations sous les huées et les menaces.
Il faut dire que la pièce est « baroque » pleine de rebondissements invraisemblables, mais quelques passages ont le mérite d’une émotion authentique.
II – Les écrits politiques (6)
Ses écrits politiques sont multiples et variés, et s’ils ont le mérite de la sincérité et de l’engagement, ils pèchent par leur caractère réactif.
Son principal inspirateur est Rousseau , malgré la représentation peu flatteuse qu’il a de la femme. Comme lui, elle croit que l’homme est bon par Nature mais que sa condition peut le rendre méchant. C’est pourquoi il faut changer ses conditions de vie. Comme lui, elle fait l’apologie de la liberté en tant que bien inaliénable de l’homme, qui en la perdant, perd son être même. A l’instar de Kant, elle reconnait à l’homme une dignité qui l’exempt d’être évalué comme une marchandise ayant un prix.
Elle fait de l’écriture son arme de combat, car il en va de son être, mais aussi du genre humain.
Dans ses cent trente écrits, elle aborde des sujets tels que :
a) sur le plan économique : un projet de caisse patriotique
un impôt volontaire sur les richesses et les spectacles (7)
une aide sociale pour des maisons accueillant les plus démunis ; les filles mères ; les vieillards.
A ce propos elle décrit en termes hugoliens, l’état de misère du peuple.
Elle propose de redresser le budget grâce à la distribution de terres en friche.
Son projet est de ramener la paix et l’ordre social en faisant appel à la générosité publique, car c’est l’égoïsme qui mine la République. La réforme de la société passe par celle de l’individu.
b) sur le plan du droit : elle propose une «Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » assortie du droit de divorce et de l’obligation de reconnaitre les enfants illégitimes.
Elle a les accents de Mirabeau, qu’elle admire lorsqu’elle revendique le droit de monter à l’échafaud comme les hommes. Elle ne sera que trop entendue.
En attendant elle dérange par ses critiques, ses propositions et ses positions.
III – Des positions mortifères
Quoique révolutionnaire elle n’hésite pas à demander le soutien de Marie Antoinette pour certaines causes et elle proposera de se faire l’avocate de Louis XVI (8).
Elle multiplie les adresses aux représentants de la Nation, à Robespierre, aux Jacobins, au Roi, à la Reine et au Prince de Condé en vue d’une monarchie constitutionnelle. Dans l’affaire des Trois Urnes qui offre le choix entre fédération, république ou monarchie, son option la fait taxer de conservatrice autrement dit de traitresse à la Nation.
Certes ses choix sont contradictoires et maladroits mais ont le mérite d’être sincères et désintéressés (9) jusqu’au sacrifice puisque son fils Pierre la désavouera, ce qu’elle acceptera voire encouragera.
IV – La fin
Quant à sa fin, on la connait : des mois de prison dans des conditions très dures, sans soin, ni intimité, ni hygiène.
Elle multiplie les lettres pour se défendre (10) (11). Le ton en est parfois hautain car elle se sait innocente. Elle déplore l’ingratitude des hommes mais fidèle à elle-même, elle montera à l’échafaud avec un courage que des hommes pourraient lui envier.
« Cependant je puis actuellement me montrer telle que suis née, telle que je mourrai, libre ! »
ANASTASIA CHOPPLET
Conférencière et philosophe
BIBLIOGRAPHIE
Blanc Olivier Marie Olympe de Gouges, une humaniste à la fin du XVIIIème siècle – Editions René Vienet – 2003
Devance Le féminisme pendant la révolution française – p 341-376 – Internet
Fraisse Geneviève Les femmes et leur histoire – Folio Histoire –Gallimard – 1998
Gardes Joëlle Olympe de Gouges – Une vie comme un roman – Editions de l’Amandier – 2008
Godineau Dominique Citoyennes tricoteuses – Les femmes du peuple à Paris pendant la Révolution Française – Alinea – 1988
L’essentiel sur Olympe de Gouges – Editions Cocagne
Olympe de Gouges, la révolte d’une femme – Voyage au bout d’une vie – vol 9 – Collection dirigée par Simon Guibert
Groult Benoite Ainsi soit Olympe de Gouges – Grasset – 2013
Thomas Chantal Le testament d’Olympe – Points –Seuil – 2010
Ecrits d’Olympe de Gouges Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne, suivie
Forme du contrat social de l’homme et de la femme –Editons Cocagne
Testament politique d’Olympe de Gouges
Adresse du Don Quichotte du Nord – Les fantômes de l’opinion publique
Arrêt de mort que présente Olympe de Gouges contre Louis Capet –
La fierté de l’innocence ou le Silence du véritable patriotisme
L’esclavage des noirs ou l’Heureux naufrage - drame en trois actes, en poche - reproduction BNF – Gallica
Remarques patriotiques par la citoyenne, auteur de la Lettre au peuple – BNF - Gallica
NOTES
(1) Déclaration du Droit de la femme et de la citoyenne, suivie de trois textes.
(2) Devance – p 352
(3) Déclaration du Droit de la femme et de la citoyenne
(4) Devance – p 347 – 348 – Rapport du Docteur Guilloux
(5) Olympe de Gouges – L’esclavage des noirs
(6) Remarques patriotiques
(7) Remarques patriotiques : Les fantômes d l’opinion publique
(8) Remarques patriotiques : Arrêt de mort de Louis Capet
(9) Remarques patriotiques : Adresse au Don Quichotte du Nord
(10) Remarques patriotiques : La fierté de l’innocence
(11) Remarques patriotiques : Testament politique