Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Conférences de Solange Anastasia Chopplet
Conférences de Solange Anastasia Chopplet
Conférences de Solange Anastasia Chopplet
Pages
Archives
31 octobre 2023

DE L’UTILITARISME

Ce texte extrait de « De l’utilitarisme » de Stuart Mill, aborde la notion de vérité de façon originale puisqu’il s’interroge sur ce qui la fonde et la garantit et y répond par la confiance. Réponse pour le moins étonnante car on ne penserait pas que la valeur de vérité de la formule d’Einstein puisse tenir à la confiance qu’on pourrait lui faire d’autant que celle-ci, qui consiste à avoir foi en quelqu’un, relève d’un sentiment non fondé en raison ni conceptualisable. Or sans ces conditions, comment un savoir pourrait-il prétendre à la vérité alors que celle-ci vise la nécessité et l’universalité que seul son fondement rationnel peut lui assurer?
Force est donc de constater que Mill ne pose pas la question de la vérité dans le domaine des sciences mais des rapports sociaux, comme il le précise dès les premières lignes en faisant référence à la parole humaine en laquelle on a confiance si toutefois elle ne s’écarte pas de la vérité en lui préférant le mensonge. En ce cas on ne croit plus en la parole de son interlocuteur et pire encore c’est le langage qui est en danger puisqu’il ne peut plus prétendre ni informer ni communiquer. Par ailleurs c’est l’être même de l’homme qui est atteint puisqu’il le logos ne peut plus jouer son rôle. Or l’homme privé de raison l’est en même temps de pensée.
Sur le plan collectif c’est le « bien être social » écrit Mill qui est en danger car la société est faite de l’ensemble des échanges verbaux ou non qui tissent des liens entre les citoyens. Or sans la confiance qu’ils supposent et requièrent plus rien ne peut plus fonctionner : ni le commerce, ni la politique, ni le savoir qui est à l’origine du progrès, ni « la vertu » dont les valeurs pour être reconnues exigent le respect de la parole donnée et l’exemplarité des actions. C’est donc le bonheur de l’homme qui repose sur la confiance faute de quoi on ne connait que la méfiance, l’hésitation, le regret, le trouble de l’âme qui est menacée.

Cependant la vérité est souvent trahie et la confiance avec, car l’homme est un être qui recherche la satisfaction de ses besoins, qui agit par intérêt en vue de ses avantages et qui n’hésite pas sur le choix des moyens en vue de ses fins.
Ceux qui agissent ainsi sont les « pires ennemis » du genre humain puisqu’en trahissant la confiance qu’on leur fait, même s’il s’agit d’un intérêt supérieur, telle que la raison d’état, ils agissent en égoïstes et privilégient leurs passions, désirs, bref leur caractère insociable sans y « être forcés ». Résultat, le taux global de confiance sociale baisse et enraye les rouages du bon fonctionnement de la société.
Bien sûr on objectera qu’il y a des cas d’exception, et du reste les moralistes l’accordent et la question se pose à tous de savoir si le mensonge de parole, aurait dit Platon, est admissible puisqu’il ne vise pas à nuire mais au contraire à éviter une peine ou un malheur. Il arrive aussi qu’on prêche le faux pour savoir le vrai et le théâtre use de ce ressort à l‘envie. Ainsi existerait-il des cas de mensonges moraux, à condition toutefois qu’ils obéissent à quelques règles dont celle d’être reconnus comme tels à savoir un mensonge en stipulant les circonstances et intentions, ainsi la confiance ne serait-elle pas trahie. Mill dans son texte met l’accent sur un sentiment dont on ne tient pas compte en matière de vérité obligatoire : la confiance, c’est-à-dire l’élément subjectif qui selon Mill s’avère essentiel dans les rapports sociaux. Mais ce faisant il valorise la croyance car la confiance est une question de croyance. Or s’il est vrai que toutes les relations humaines, nos engagements, nos projets ont pour fondement la croyance en l’avenir et la foi en soi et dans les autres, cette condition est-elle suffisante à la vérité? N’est-elle pas trop singulière et contingente pour témoigner de, et garantir la vérité? Les protocoles épistémologiques dont celle-ci s’entoure ne peuvent-ils suffire? La pratique d’un doute méthodique, hyperbolique et volontaire telle que la préconise Descartes ne nous mettent-ils pas en garde contre la confiance, en soi ou en les autres, qu’on peut faire par préjugé ou précipitation? Et pourtant dans sa morale provisoire c’est bien sûr la confiance que mise Descartes lorsqu’il s’agit de sa vie sociale. Mais si confiance il y a, et elle est nécessaire, ne requiert-elle pas en contrepoint, mensonge, trahison, manipulation pour pouvoir être testée et se poser en s’opposant à ceux-ci? La confiance est une tâche et elle se construit, comme la vérité en allant d’erreurs corrigées en erreurs corrigées.

Aussi faut-il se méfier de la confiance. C’est la première arme du séducteur, du manipulateur, du pervers, du dictateur lorsqu’ils prétendent à la vérité de leurs dires. Le mal s’avance masqué.
Bien sûr la pierre de touche de la confiance est la vérité mais à quoi la reconnaitre? Si on la reconnait au degré de confiance qu’inspire le discoureur alors on est face à un cercle vicieux.
Par conséquent si la confiance est le corollaire nécessaire de la vérité, il n’est pas suffisant car on peut s’écarter de celle-ci tout en inspirant confiance.

Comme le dit le dicton populaire « on lui aurait donné le bon dieu sans confession ». Aussi faut-il rester vigilant à l’égard de l’autre et de soi-même car croire est une facilité à laquelle nous cédons par paresse et par lâcheté.
Le bonheur que promet Mill est une ligne d’horizon sur des objets en lesquels Kant écrivait qu’il était possible d’espérer.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 51 473
Publicité