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Conférences de Solange Anastasia Chopplet
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16 février 2022

La musique est-elle un langage des émotions?

LA MUSIQUE EST-ELLE SEULEMENT UN LANGAGE DES EMOTIONS?

 

La musique tout au long de notre vie accompagne nos moments de joie comme de tristesse. Elle nous fait rire, pleurer, regretter, chante la nostalgie ou stimule les énergies, c’est dire qu’elle a partie liée avec les émotions puisqu’elle nous met en mouvement. Mais est-elle pour autant un langage des émotions et n’est-elle que cela? Autrement dit est-elle au service des émotions, est-elle pour celles-ci un moyen d’expression ou bien est-elle une fin en soi, c’est-à-dire ayant en soi son but et son sens?

 Afin de répondre à cette question il nous faut tout d’abord spécifier ce qu’est la musique.

Définie comme une suite ordonnée de sons elle est donc une création de l’homme relevant d’une activité de l’esprit en l’occurrence logique dont la pression exprimée en hertz est traduite en sons par le cerveau.

Le musicien avant de penser à exprimer une quelconque émotion, effectue donc un travail de physicien qui en termes de mathématiques consiste à obtenir des notes par multiplication et division de fréquences de base, lesquelles peuvent avoir pour effets des émotions.

Mais on peut aussi et avant tout considérer l’originalité et le caractère novateur des sons produits, leur esthétique et leur capacité à créer de nouvelles perspectives sonores telles que le dodécaphonisme ou musique atonale qui est une technique de composition musicale imaginée par Schönberg. Par cet exemple on conçoit bien d’une part que la musique n’est pas un langage universel puisqu’il existe une multiplicité de compositions tonales et que son but unique n’est pas d’émouvoir, mais d’explorer des possibilités sonores.

Par ailleurs, si l’on se réfère à la théorie de la communication de Jakobson, le langage assume six fonctions : référentielle ; expressive ; conative ; phatique ; poétique ; métalinguistique.

Or le langage musical n’assure pas la fonction métalinguistique. A la question par exemple de savoir ce qu’est la musique on ne répond pas en en jouant une partition mais au moyen du langage verbal, et d’autre part toute langue s’inscrit dans un échange ce qui n’est pas le cas entre le compositeur et l’écouteur, qui même s’il manifeste son enthousiasme par des applaudissements, ne le fera pas en composant de la musique.

Cependant en tant que système de sons la musique correspond bien à la définition d’une langue « système de signes arbitraires doublement articulés » (F de Saussure). A chaque son, en tant que signifiant peut être associé un signifié selon  des conventions, mais alors que chaque langue verbale est spécifique, le langage musical, et artistique en général, peut résonner en chacun quelle que soit son origine, sa culture, sa formation, sans apprentissage préalable, même si le milieu social prédéfinit et sélectionne la sensibilité musicale.

Le paradoxe est donc que le langage comporte une dimension collective, des paramètres déterminants tandis que les émotions sont particulières, voire singulières, relatives aux situations et conséquemment contingentes. Elles sont souvent désordonnées, irrationnelles, surgissent par surprise et relèvent de la passion.

Comment dès lors le langage musical dont la nature est tout autre pourrait-il être langage des émotions? Est-il à leur service, ou la musique serait-elle à leur origine et créerait-elle des émotions nous rendant tristes ou gais, pensifs ou euphoriques? Elle nous ferait agir en fédérant les énergies, en se faisant hymnes de résistance,  à moins qu’elle ne nous contrôle comme la musique dans les camps l’illustre abondamment.

Bref la musique ne correspondrait pas tant à des émotions qu’elle n’en susciterait en dépassant largement le cadre de notre vécu pour nous inciter à nous transcender. Du reste n’est-elle pas susceptible de nous plonger dans des états d’extase où l’on s’oublie et oublie le hic et nunc? N’est-elle pas le médiateur entre les hommes et les dieux? Et s’il s’agit d’un langage des émotions celles-ci acquièrent une dimension universelle parce qu’ineffable.

On peut certes expliquer la composition musicale, mais non sa capacité à toucher l’être là où plus rien ne l’atteint lorsque la mort s’approche, et pourtant il tressaille à l’écoute d’un violoncelle.

 Admettons donc que la musique est ce par quoi l’homme, voire tout vivant puisque les plantes sont sensibles aux sons, touche concrètement au mystère de l’être et ainsi à ce qu’il est au creux du silence et de la solitude, sans jamais cependant pouvoir coïncider avec lui-même car l’être est passage comme la musique mouvement.

 

ANASTASIA CHOPPLET

Conférencière et philosophe

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