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Conférences de Solange Anastasia Chopplet
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21 décembre 2019

LA LITTERATURE ET LA PENSÉE POLITIQUE

 LA LITTERATURE DANS L’ANTIQUITE GRECQUE EN RELATION AVEC LA PENSEE POLITIQUE

 

Baudelaire dans son poème « Les Phares », présente l’artiste comme celui qui éclaire les ténèbres tandis que Bergson le définit comme celui « qui voit mieux et autrement que les autres hommes ». C’est fort de ces deux auteurs que nous pensons que les écrivains e l’Antiquité ont pu saisir et transmettre l’essentiel de la sensibilité de leur temps.

 Nous ne nous arrêterons pas à l’ « Antigone » de Sophocle trop connue de chacun quoique la pièce s’interroge sur la question de l’origine de la justice à savoir : les hommes (droit positif) ou les Dieux. Dans cet affrontement Antigone préfère suivre les lois éternelles, justes et imprescriptibles des Dieux plutôt que celles variables et contestables des hommes. Elle en payera le prix de sa vie faisant de celle-ci une tragédie.

 Socrate lui aussi payera de sa vie son respect des lois car s’il accepte sa condamnation c’est au nom de l’obéissance qu’il leur doit et non en vertu de la justice de la sentence. Nous y reviendrons dans la conférence dédiée au procès de Socrate.

 

- Statut du théâtre

 Le théâtre est à caractère politique et concerne toute la cité, y compris les femmes, esclaves et métèques.

Les citoyens fortunés prennent en charge le chœur et l’auteur est auteur, compositeur, chorégraphe, acteur, metteur en scène.

Lors des concours, les spectacles durent quatre jours et chaque auteur doit présenter une trilogie dramatique et un drame satirique. A la suite de quoi dix juges décident du vainqueur.

 I  – Eschyle

Celui auquel nous allons nous intéresser c’est Eschyle et plus particulièrement à l’ «Orestie». Résultat de recherche d'images pour "orestie eschyle"

Eschyle (- 525) Sophocle (- 496) Euripide (- 485) sont les trois principaux dramaturges que nous connaissons de l’Antiquité qui ont survécu aux naufrages de l’histoire.

Né en – 525, Eschyle connut la réforme de Clisthène qui fonda la démocratie. Il combattit à Marathon et à Salamine contre les Perses (pièce du même nom) il assista aux conflits des démocrates et aux réformes d’Ephialtès. Il meurt à Géla en – 456.

Eschyle fait du théâtre le lieu de la parole politique en faisant dialoguer l’acteur avec le coryphée ou le chœur composé soit de déesses ou de furies, de femmes ou de vieillards.

 A la différence de la comédie, la tragédie s’origine dans le grand temps du mythe qui priva l’Aréopage de son rôle de conseiller « gardiens des lois » pour en confier la fonction à la Boulé et à l’Ecclésia. Les Dieux sont omniprésents et agissants (cf. Aristote « Le monde est plein de Dieux ») instaurant les lois, guidant les hommes, leur apprenant justement à le devenir au sein d’une cité qui est à la fois un espace culturel, temporel, social et politique.

 Or cette cité ne peut se constituer sans se remettre en même temps en question de sorte que la tragédie est un ordre qui se défait ; un désordre qui s’ordonne car le désordre est à la fois le remède et le poison de l’homme comme de la cité. Ainsi est-ce du matricide d’Oreste que naît le tribunal des hommes qui met fin à la vengeance. La tragédie n’est donc pas un divertissement mais une éducation qui doit susciter chez le spectateur la pitié et la crainte afin de le purger de ses passions. Or Oreste inspire tout à tour ces deux sentiments et son action est suffisamment vraisemblable pour paraître réelle.

 On peut se demander pourquoi la tragédie est susceptible de figurer l’essence du politique. Précisément parce que le politique est une figure du tragique puisqu’elle se fait à coup de guerres, de drames, de décisions sacrificielles mais aussi de corruptions, d’assassinats et que les enjeux peuvent être terribles. Le tragique c’est en effet l’irréversibilité des choix, l’affrontement à la mort qui est condition de la liberté, la conscience de la fragilité de l’homme et en ce sens la politique est essentiellement tragique. Tout y est disproportionné, passionnel, c’est pourquoi elle est un objet privilégié de la tragédie, à moins qu’on ne la tourne en dérision comme Aristophane.

 

L’ « Orestie » est une des rares trilogies que l’on connaisse et l’une des sept pièces sur une centaine que l’on conserve d’Eschyle. Elle est composée de :

« Agamemnon » : sacrifice d’Iphigénie

« Les Choéphores » (dont l’étymologie signifie « porter une libération ») : assassinat d’Agamemnon par Clytemnestre

« Les Euménides » (bienveillantes) : jugement d’Oreste à la suite de son matricide.

 Nous nous intéresserons à la troisième pièce car elle marque l’acte de naissance du tribunal humain sous l’égide d’Athéna qui transmet le pouvoir des Erinyes ou furies, aux hommes. (Image F Bacon : triptyque de l’Orestie 1981)

 A la fin des « Choéphores », Oreste poursuivi par les Erinyes trouve refuge auprès d’Athéna sur les conseils d’Apollon qui l’a encouragé au matricide.

Tout l’enjeu philosophique de la pièce repose sur des questions philosophiques :

 -  Oreste est-il coupable et responsable ?

- par qui la justice doit-elle être exercée (les dieux ou les hommes) ?

- faut-il  juger, débattre, chercher des circonstances atténuantes ou appliquer la loi du Talion, la vengeance selon la justice commutative ?

- quel meurtre est le pire et punissable de celui de Clytemnestre contre Agamemnon ou d’Oreste tuant sa mère ?

 Deux points de vue s’opposent :

- soit on privilégie le crime du même sang : Oreste est coupable et plus que Clytemnestre qui a tué Agamemnon d’un autre sang,

- soit on privilégie le masculin sur le féminin. Le crime d’Oreste est moins grave que celui de Clytemnestre. Il a tué une femme, alors qu’elle a tué un héros. C’est cet argument qui l’emportera alors que le crime de Clytemnestre demeurera impuni car il en va aussi de la lignée mâle et de la transmission du pouvoir.

 Sur le plan mythico-religieux, on assiste aussi à un basculement, celui du passage des dieux chtoniens anciens à Apollon, jeune dieu de lumière qui l’emporte à la fin.

Or les Erinyes résistent au changement en arguant de leur ancienneté.

 Sur le plan judiciaire on assiste à l’instauration d’un tribunal démocratique des hommes (≠ oligarchie. ≠ dieux) certes qu’Athéna préside mais pour en fonder le modèle. Le coupable a le droit de se défendre face aux plaignants et d’accuser celui-ci à son tour. Puis les juges portent dans l’urne leur osselet de vote.

 Le jugement étant rendu, les Erinyes se transforment en Euménides. Elles veilleront désormais à l’application des jugements rendus par les hommes sous l’égide des Dieux.

  

II – Aristophane Résultat de recherche d'images pour "les cavaliers aristophane"

 1) Les Cavaliers

 En second lieu, nous allons nous arrêter sur deux pièces d’Aristophane. « Les Cavaliers » et « L’Assemblée des femmes » qui sous forme de satire mettent en scène les dérives démagogiques de la démocratie.

D’Aristophane, il ne reste que 11 de ses 44 pièces. Sa vie durant il connut la guerre et les déboires de la succession des régimes, en particulier démocratiques.

Cet aristocrate de conviction caricature les dérives démagogiques de la démocratie qu’il incarne en un vieillard « atrabilaire, à moitié sourd » influençable, intéressé, sensible à la flatterie. Quant aux représentants politiques issus du peuple, leurs principales qualités, nécessaires pour gouverner, sont la malhonnêteté, l’ignorance, la mauvaise éducation, cela leur suffit pour « tripatouiller les affaires ». Aussi lorsqu’ils ouvrent la bouche ne sont-ce que propos scatologiques qui en sortent et moult références aux flatulences et à la sexualité pratiquée à Athènes. Aussi après le règne d’un tanneur, en l’occurrence Créon, les athéniens auront-ils à supporter celui d’un charcutier. Voilà à quoi mène la politique lorsqu’elle est confiée au peuple.

 – Trame

 Il s’agit d’une pièce à clef    :       Demos le maitre de maison incarne le peuple

                                                               Paphlagon = Cléon

                                                               1er serviteur = Démosthène

                                                               2ème serviteur : Nicias

                                                               Charcutier = Agoracristos : nouveau maître de l ‘Agora

  Circonstances, en 429, Cléon, un tanneur vient au pouvoir. Il pousse à la guerre et à la démagogie, son éloquence est brutale. En 425 il capture une garnison de spartiates à la barbe de Démosthène et Nicias. Il en tire la gloire mais est détesté des cavaliers d’origine aristocratique. 

 Prologue : Deux esclaves se plaignent du nouvel intendant qu’a engagé leur vieux maître Demos. Afin de trouver une stratégie pour s’en débarrasser ils lui volent son oracle annonçant qu’il sera remplacé par une crapule pire encore. Arrive un charcutier lui fera l’affaire.

  A la demande des deux serviteurs, le chœur des cavaliers, pour venir en aide au charcutier attaque Paphlagon. Agoracritos et Paphlagon se livrent à un agôn d’insultes que gagne le premier.

 Suit une  2ème épreuve devant Demos. Le débat est encore plus vulgaire. Le charcutier gagne et offre à Demos rajeuni, une femme : la paix.

 La satire n’eut pas d’effet sur les athéniens.

 A la façon des humoristes,  Aristophane procède à une attaque ad homineh contre Cléon, au nom des principes de la démocratie athénienne : égalité absolue, liberté, honnêteté, responsabilité collective, séparation vie citoyenne vie privée.

 Or il dénonce l’immixtion du public et du privé, le mélange des intérêts privés et publics mais le charcutier qui le remplace est-il plus valable ?

Suffit-il de gagner dans un débat pour être un citoyen moral et compétent ? La réponse est négative.

 Aristophane dénonce  la faiblesse du peuple face aux démagogues. Devant une situation bloquée (guerre et démagogie)  faut-il en appeler aux femmes ? Ou est-ce le signe qu’il n’y a plus aucune solution ?

 

2) L’Assemblée des femmes Image associée

 Aristophane est l’un des rares auteurs à mettre celles-ci en scène, songeons aussi à  « Lysistrata ». Dans les deux cas de figure la situation a échappé aux hommes, la patrie est en danger, à cause de la guerre et avec elle la démocratie. Dans « L’Assemblée des femmes », les femmes, déguisées en hommes (et donc les acteurs hommes jouant les femmes doivent se déguiser en hommes !)  proposent à l’ecclésia que les femmes prennent le pouvoir afin de pallier à l’incurie, à la malhonnêteté et aux appels à guerre des hommes.  Seules elles sont désintéressées, capables de veiller à l’intérêt public « supérieures quant aux mœurs », elles sont les gardiennes du foyer et des traditions. Cependant le langage d’Aristophane est ambigu car si les femmes au pouvoir ne seront « jamais trompées, c’est parce qu’elles ont l’habitude de tromper ».

Mais les femmes au pouvoir, qu’est-ce que donc que le carnaval dont on sait la brièveté et l’irréalité ? Or, telles seront les lois votées par les femmes : qu’un jeune homme ait l’obligation d’honorer une vieille s’il veut connaître la jeune qu’il convoite  ou encore que « tous mettent en commun leurs biens » afin d’instaurer un « seul genre de vie commune » grâce à la gestion des biens déposés aux mains des femmes qui les répartiront justement. Quant aux femmes, clin d’œil à la « République » de Platon, elles seront aussi en commun. A l’instar du philosophe, Aristophane organise une cité aussi utopique que la sienne.

Faut-il y croire, l’espérer ou au contraire la redouter, car qui n’a rien ne peut être libéral, ni tempérant, et puisque les esclaves assureront les tâches, ce sera le règne de la paresse et des paradis fiscaux car qui accepterait de se dessaisir de ses biens ?

                               

III – Les différentes formes d’expression littéraires  en particulier à caractère politique

 Afin de poursuivre notre parcours littéraire nous avons retenu :

 1) Poètes :               Bacchylide 524/450

                               Pindare 518/438 : genre lyrique

                               Théocrite 315 : bucolique - pastorale

                               Théognis VI av Jésus Christ : Elégies

                               Hérondas III av Jésus Christ : poète comique

                               Ménandre 342/292 : poète comique

 2) Historiens :    Hérodote 480/420 : L’enquête historique

                               Thucydide 455/396 : L’histoire comme science

                               Xénophon 426/354 : Philosophie de l’histoire

                               Diogène Laërce III après Jésus Christ : Histoires de la philosophie doxographe

 3) Orateurs  :     Isocrate 436/338

                               Isée 420/350

                               Protagoras

                               Gorgias

 4) Orateurs et hommes politiques :        Démosthène 384/322

                                                             Eschine 389 / ?

                                                            Lycurgue 390/324

 

5) Philosophes :          Théophraste

                                 Xénophon

                              

                        

1) Poètes 

a) Bacchylide (c.524 – 450 av. J.-C.)Résultat de recherche d'images pour "Bacchylide"

 

Contemporain de Pindare il fut son adversaire. Ses principales œuvres sont les épinicies (en l’honneur des athlètes). Sa poésie est lyrique, chorale : hymne (chant de louange à), péan (chant, lyre et flûtes ; retour du cri « io paian ». Apollon. Demande délivrance d’un mal), dithyrambes (éloges enthousiastes), odes dédiées aux Dieux et héros.

 

                « Zeus qu’emplit une grande force entendit l’irréprochable prière et fit paraître,  en faveur de Minos, son fils chéri, une marque d’honneur extraordinaire qu’il voulait rendre visible à tous ; il lança un éclair. Et lui, le héros inébranlable à la guerre, voyant le signe qui répondait à son désir, il étendit les mains vers le glorieux éther. « Tu vois ici, Thésée, dit-il, le don manifeste que Zeus m’accorde. A toi ! Lance-toi dans la mer aux sourds grondements ! Le seigneur Poséidon, fils de Kronos, ton père, te procurera la gloire la plus haute, par la terre peuplée d’arbres ! » Il dit. L’ardeur de Thésée ne fléchit ni n’inversa sa route ; mais, s’étant dressé sur le gaillard bien bâti, il se lança. L’aire sacrée de la mer volontiers l’accueillit. Le fils de Zeus fut stupéfait au-dedans de son coeur et ordonna de tenir la nef travaillé avec art au gré du vent. Mais la More préparait une autre voie. 

 

                Le navire, prompt transporteur, s’élançait, que poussait, soufflant par derrière, l’haleine du Borée. La troupe des jeunes gens d’Athènes s’était mise à trembler, quand le héros avait sauté dans la mer. De leurs yeux de lis ils répandaient des larmes, attendant la lourde nécessité. Mais les dauphins, habitants de la mer, rapidement portèrent le grand Thésée à la demeure du dieu au cheval, son père. Il arriva dans le palais des dieux. Là, il fut pris de crainte à la vue des glorieuses filles de l’heureux Nérée. De leurs membres splendides, comme d’un feu, brillait une éclatante lumière. Ceignant leur cheveux, tournoyaient les rubans tressés d’or, et avec leurs pieds humides elles rassasiaient de danse leur cœur. Il vit, dans l’aimable demeure, l’épouse chérie de son père, l’auguste Amphitrite aux larges yeux. »                                                                                                                                                              Dithyrambes, III, 2.

                              

 

b) Pindare (518 – 438 av. J.-C.)Résultat de recherche d'images pour "Pindare"

Seuls 4 livres (épinicies) nous sont parvenus.

Il s’attache aux familles aristocratiques. Identifie les vainqueurs aux héros fils de Dieux.

 

1ère Olympique pour Hiéron de Syracuse, vainqueur à la course des chevaux montés

 

                « Le premier des biens est l’eau ; l’or, étincelant comme une flamme qui s’allume dans la nuit, efface tous les trésors de la fière opulence. Veux-tu chanter les Jeux, ô mon âme ? ne cherche pas,  au ciel désert quand le jour brille, un astre plus ardent que le Soleil, et n’espère pas célébrer une lice plus glorieuse qu’Olympie ! De là part l’hymne que mille voix répètent ; il inspire le génie des poètes, accourus, pour chanter le fils de Cronos, au foyer bienheureux de Hiéron,

                Qui tient le sceptre de la justice dans la Sicile féconde ; qui cueille toutes les vertus sur leur plus haute tige ; et qui s’éjouit aux délices du chant, aux nobles jeux qui souvent nous divertissent autour de sa table amie. Allons ! prends à son clou la lyre dorienne, si l’honneur de Pise et de Phérénicos a subjugué ton âme du plus doux souci, quand il bondit sur les bords de l’Alphée, sans avoir besoin de l’éperon, et conduisit à la victoire, son maître,

                Le roi de Syracuse, ami de l’art équestre. La gloire de Hiéron brille dans cette terre de héros, colonie de Péplos le Lydien, dont s’éprit le Dieu puissant qui porte la terre, Poseidon, quand Clôthô le retira du bassin pur, l’épaule parée de l’éclat de l’ivoire. Ah ! le monde est plein de merveilles – et parfois aussi les dires des mortels vont au-delà du vrai ;  des fables, ornées d’adroites fictions, nous déçoivent. »

 

c) Théocrite (315 av. J.-C. ?)Résultat de recherche d'images pour "Théocrite"

Originaire de Syracuse, se rendit à Alexandrie. Il s’inscrit dans la tradition pastorale ou bucolique (boeuf). Il chante la joie et la douceur de vivre.

                 «Blanche Galatée, pourquoi repousses-tu celui qui t’aime, - toi plus blanche à voir que le lait caillé, plus tendre que l’agneau, plus fringante que la génisse, plus luisante que le raisin vert ? Pourquoi te promènes-tu ici comme tu fais quand le doux sommeil me possède, et t’en vas-tu aussitôt quand le doux sommeil m’abandonne, fuyant telle qu’une brebis lorsqu’elle a vu le loup au gris pelage ? Je me suis mis à t’aimer, jeune fille, du jour que tu es venue avec ma mère pour cueillir des fleurs d’hyacinthe dans la montagne, et que moi je vous servais de guide. Cesser, après que je t’ai vue encore d’autre fois, cela m’est aujourd’hui tout à fait impossible, impossible depuis ce jour. Mais toi, tu n’en as pas souci, non par Zeus, pas du tout.

                Je sais, charmante jeune fille, pourquoi tu me fuis. C’est parce qu’un sourcil velu s’étend sur tout mon front de l’une à l’autre oreille, unique et long, parce que j’ai au front un oeil unique, et qu’un nez épaté me surmonte la lèvre. »

                                                                                                                                             Le Cyclope, 19-33.

 

d) Théognis (VIème siècle av. J.-C.)

C’est l’époque archaïque. Il est issu du milieu aristocratique de Mégare. Sa poésie est élégiaque. Il nourrit une certaine rancune à l’égard des bouleversements sociaux.

                 « C’est pour ton bien, Cyrnos, que je vais formuler ces préceptes, tels qu’encore enfant je les reçus moi-même des gens de bien. Reste sage, et ne cherche honneurs, distinctions ni fortune dans des actes bas ou injustes : retiens cela d’abord. Ensuite, garde-toi de fréquenter les méchants, attache-toi toujours aux bons ; bois et mange avec eux, assieds-toi parmi eux, plais-leur, à eux dont la puissance est grande. Car c’est des gens vertueux que tu apprendras la vertu ; mais si tu te mêles aux méchants, tu perdras même l’esprit qui est en toi. Ainsi instruit, fait des gens de bien ta seule compagnie, et tu diras un jour que je donnais de bon conseils à mes amis.

                Cyrnos, notre ville est en travail, et je crains qu’elle n’enfante un redresseur de nos déplorables outrances ; car, si nos concitoyens font preuve encore de sagesse, nos chefs, eux, sont engagés sur une fort mauvaise pente. Jamais jusqu’à ce jour, Cyrnos, des gens de bien n’ont causé la perte d’une ville ; mais celle où, se complaisant dans la démesure, les méchants corrompent le peuple, et donnent des gages à l’injustice afin d’en tirer profit et puissance pour eux-mêmes, point d’espoir qu’une telle ville connaisse une longue quiétude – même si elle repose aujourd’hui dans une paix profonde -, dès lors que les méchants ont pris goût à ces bénéfices, présages de malheur public ; car il n’en sort que séditions, massacres entre citoyens, monarchie. Puissent ces excès ne jamais être la loi de notre ville. »         

                                                                                                                                             Poèmes élégiaques

 e) Hérondas (IIIème siècle av. J.-C.)

Alexandrie. Il rappelle Aristophane et Ménandre. Il écrit des Mimes (imitations), courtes pièces, amusantes sur la vie des gens. Dans « L’entremetteuse » Gyllis veut convaincre Métriché de prendre un amant en l’absence de son époux.

 

                « Gyllis. – Moque-toi ; c’est votre privilège à vous autres jeunesses ; mais – il n’y a pas là de quoi te fâcher – voyons, mon enfant, combien y a-t-il de temps que tu dépéris, seule à fatiguer le lit unique ? Depuis que Mandris est parti pour l’Egypte, voilà bien dix mois que tu es sans une ligne de lui, il a tout oublié, il a bu à une autre coupe. C’est que là-bas, Aphrodite est chez elle ; tout ce qui peut exister ou se produire sur terre, on le trouve en Egypte : fortune, sport, pouvoir, ciel bleu, gloire, spectacles, philosophes, or fin, jolis garçons, temple de dieux frère et sœur, le roi qui est si bon, musée, vin, toutes le bonnes choses dont on peut avoir envie, et des femmes tant de femmes, par la Vierge des enfers, quel le ciel ne peut se vanter de porter plus d’étoiles, et à les voir elles sont pareilles aux déesses qui jadis vinrent prendre Pâris pour juge de leur beauté, - pourvu qu’elles ne m’aient pas entendu ! Quel cœur as-tu, malheureuse, pour demeurer là, à chauffer ton fauteuil ? Tu vas vieillir à ton insu, ta fraîcheur rongée par la cendre. Jette ailleurs tes regards, change de pensées pour deux ou trois jours, prends du bon temps, et tourne les yeux vers un autre ; si le vaisseau ne tient qu’à une ancre, le mouillage n’est pas sûr. »

                                                                                                              L’Entremetteuse ou la Maquerelle, I, 19-42

 f) Ménandre (342 ? – 292 ? av. J.-C.)Ménandre

Maximes. On le qualifie de  « Prince de la comédie nouvelle ». Il écrit cent pièces. Il est comparé par Plutarque à Aristophane. Il écrit nombre de Maximes.

 

                « Le cuisinier. – Si jamais j’ai la chance de trouver du travail, ou bien il survient un décès, et alors me voilà réduit à filer sans salaire, ou bien il y a une naissance dans la maison, suite à une grossesse clandestine, et alors, subitement, adieu le sacrifice ! je n’ai plus qu’à déguerpir. Quel guignon !

                Daos. – De grâce, cuisinier, décampe !

                Le cuisinier. – Mais, à cette heure, que crois-tu que je fasse ? (A son aide.). Prends les coutelas, galopin, plus vite que ça enfin ! Trois drachmes, c’est le prix du travail que j’avais trouvé, après dix jours de chômage, en venant ici. Je croyais le tenir, cet argent. Voilà qu’un mort arrivé de Lycie me l’enlève de force, cet argent. Et lorsqu’un pareil malheur atteint la maisonnée, brigand, quand tu vois les femmes occupées à pleurer et à se frapper la poitrine à grands coups, tu l’emportes vide, ta burette ? Quelle belle occasion tu avais trouvée là ! Souviens-toi ! Ce n’est pas l’Etincelle mais Aristide le Juste que j‘ai à mon service. Pour moi, je te verrai dîner par cœur aujourd’hui. L’ordonnateur des tables, lui, va peut-être rester ici pour le repas funèbre ? (Il sort avec son aide par la droite). »

                                                                                                                                                             Bouclier, I, 4.

 

2) Historiens

 a) Hérodote (480 – 420 av. J.-C.)

« Père » de l’ «Histoire » ou plutôt du récit historique car il conserve un fond mythologique. A propos des guerres médiques, il enquête sur leurs origines et causes.

 

                « Lorsque les troupes eurent pris leurs positions et que les sacrifices donnèrent de bons présages, les Athéniens, aussitôt donné le signal de l’attaque, se lancèrent au pas de course cotre les Barbares ; l’intervalle qui les en séparait n’était pas de moins de huit stades. Les Perses, quand ils les virent arriver sur eux en courant, se préparèrent à les recevoir ; constatant qu’ils étaient peu nombreux et que, malgré cela, ils se lançaient au pas de course, sans cavalerie, sans archers, ils les crurent atteints de folie, d’une folie qui causerait leur perte totale. C’était l’idée que se faisaient les Barbares ; mais les Athéniens, après qu’ils eurent, en rangs serrés, pris contact avec eux, combattirent de façon mémorable. Ils furent en effet, autant que nous sachions, les premiers de tous les Grecs qui allèrent à l’ennemi en courant, les premiers à supporter la vue de l’équipement des Mèdes et d’hommes portant cet équipement, alors que, jusque-là, rien qu’à entendre le nom des Mèdes, les Grecs étaient pris de peur.

                La bataille dura longtemps à Marathon. Au centre de  l’armée, où étaient placés les Perses eux-mêmes et les Saces, l’avantage fut aux Barbares ; victorieux sur ce point, ils rompirent leurs adversaires et les poursuivirent dans l’intérieur, mais, aux deux ailes, la victoire fut aux Athéniens et aux Platéens. Vainqueurs, ils laissèrent fuir les Barbares mis en déroute, réunirent les deux ailes en un seul corps, engagèrent le combat contre ceux qui avaient rompu le centre de leur ligne ; et la victoire resta aux Athéniens. Les Perses prirent la fuite ; ils les suivirent, abattant les fuyards, jusqu’au bord de la mer ; arrivés là, ils réclamaient du feu et s’en prenaient aux vaisseaux. »

                                                                                                              Description de la bataille de marathon. 

                                                                                                              Histoires, VI, 112.

 b) Thucydide (455 – 396 av. J.-C.)

Né à Athènes, il admire Périclès. Il est élève de Gorgias. Il est stratège en 424 durant la guerre du Péloponnèse (431 – 404). Incapable de conserver Amphipolis contre Sparte, il doit s’exiler pendant vingt ans. Plus réaliste qu’Hérodote, il fait une analyse rationnelle de la guerre en examinant ses  causes scientifiques et historiques.

                 « LIII. D’une façon générale, la maladie fut, dans la cité, à l’origine d’un désordre moral croissant. L’on était plus facilement audacieux pour ce à quoi, auparavant, l’on ne s’adonnait qu’en cachette : on voyait trop de retournements brusques, faisant que des hommes prospères mouraient tout à coup et que des hommes hier sans ressources héritaient aussitôt de leurs biens. 2. Aussi fallait-il aux gens des satisfactions rapides, tendant à leur plaisir, car leurs personnes comme leurs biens étaient, à leurs yeux, sans lendemain. 3. Peiner à l’avance pour un but jugé beau n’inspirait aucun zèle à personne, car on se disait que l’on ne pouvait savoir si, avant d’y parvenir, on ne serait pas mort : l’agrément immédiat et tout ce qui, quelle qu’en fût l’origine, pouvait avantageusement y

contribuer, voilà ce qui prit la place et du beau et de l’utile. 4. Crainte des dieux ou loi des hommes, rien ne les arrêtait : d’une part, on jugeait égal de se montrer pieux ou non, puisque l’on voyait tout le monde périr semblablement, et, en cas d’actes criminels, personne ne s’attendait à vivre assez pour que le jugement eût lieu et qu’on eût à subir sa peine : autrement lourde était la menace de celle à laquelle on était déjà condamné ; et, avant de la voir s’abattre, on trouvait bien normal de profiter un peu de la vie. 

                LIV. Tel le malheur qui avait frappé Athènes de façon si douloureuse : elle avait des hommes qui mourrait au-dedans, et, à l’extérieur, un territoire mis au pillage. »

                                                                                                              Histoire de la Guerre du Péloponnèse, II.

  

c) Xénophon (426 – 354 av. J.-C.)

A la fois philosophe et historien. Il est issu d’une famille aristocratique. Il écrit la « Cyropédie », (enfance de Cyrus qu’il a rejoint avec les Spartiates), l’ « Anabase », le « Banquet », l’ « Apologie de Socrate », l’ « Economique », les « Mémorables »,  des traités de cavalerie et de chasse. Enfin il fait part de ses réflexions sur la tyrannie dans « Hiéron de Syracuse ».

 Après la mort de Cyrus, expédition des 10 000. Il conduit des grecs à Trébizonde de sorte qu’il est élu général.

                 « 24. Une fois la sentence rendue, Socrate déclara : « Eh bien, juges, ceux qui ont fait la leçon aux témoins en leur disant qu’il fallait en se parjurant porter contre moi de faux témoignages, et ceux qui se sont laissés suborner par eux, doivent nécessairement avoir conscience d’avoir commis une grande impiété et une grande injustice. Mais pourquoi me conviendrait-il à moi de m’estimer moins qu’avant ma condamnation, puisque je n’ai été convaincu d’aucun de délits pour lesquels on m’a poursuivi ? On ne m’a jamais vu, en effet, délaissant Zeus, Héra et les dieux qui leur sont associés ni sacrifier à des divinités novelles, ni jurer par elle, ni nommer d’autres dieux. 25. Et les jeunes gens, comment pourrais-je les corrompre en les habituant à une vie d’endurance et de frugalité ? Quant aux délits que l’on punit de mort : pillage d’objets sacrés, vols par effraction, asservissement d’hommes libres, trahison envers la cité, mes adversaires eux-mêmes ne m’en imputent aucun. Je me demande donc avec stupéfaction comment j’ai pu vous paraître agir de manière à mériter la mort. 26.  Mais ce n’est pas non plus parce que je meurs injustement que je dois rabaisser ma fierté ; la honte en effet n’est pas pour moi, mais pour ceux qui’ m’ont condamné. J’ai de plus une consolation, c’est le souvenir de Palamède, de sa mort presque semblable à la mienne. Maintenant encore il fournit le thème de chants beaucoup plus beaux que ne fait Ulysse, injuste auteur de sa mort. Pour moi aussi, je le sais, l’avenir et le passé à la fois porteront témoignage que je n’ai jamais fait tort à personne ni perverti qui que ce soit, mais que, au contraire, j’ai rendu service à ceux qui conversaient avec moi en leur enseignant gratuitement le bien que je pouvais. »

                                                                                                                                                             Apologie de Socrate.

 d) Diogène Laërce  (IIIème siècle après J.-C. - Contemporain de Saint Augustin)

Il écrit « Vie et doctrine des philosophes illustres » dont Thalès, Anaximandre, Socrate et les socratiques, Platon, Académie, Cyniques, Stoïciens, Pythagore.

                « 53. Quand il démontre, il utilise surtout la méthode de l’induction, non pas d’une seule façon, mais de deux. L’induction est, en effet, un argument qui au moyen de certaines prémisses vraies infère proprement une vérité qui lui est semblable. Il y a deux types d’induction : l’un se fait par opposition, tandis que l’autre est par accord. Le type par opposition, c’est celui dans lequel pour chaque réponse il résulte le contraire  pour celui qui est interrogé, par exemple : « Mon père est soit identique soit différent de ton père. Si donc ton père est différent de mon père, étant différent d’un père, il ne saurait être un père ;  s’il  est identique à mon père, étant identique à mon père, alors c’est mon père. » 540 Et encore : « Si l’homme n’est pas un vivant, il doit être une pierre ou un morceau de bois. Or il n’est ni pierre ni morceau d bois, puisqu’il est doté d’une âme et qu’il se meut par lui- même. Il est donc un vivant. Mais s’il est un vivant, puisque et le chien et le bœuf sont des êtres vivants, l’homme doit, puisqu’il est vivant, être et chien et bœuf.» Tel est donc le mode de l’induction par opposition ou encore dans l’affrontement, dont il se servait non pas pour établir des dogmes, mais pour réfuter. »

Vie de Platon, III,

(traduction d’Alain Ph. Segonds,

Classiques en Poche).

 3) Orateurs

 a) Isocrate d’Athènes (436 – 338 av. J.-C.)Résultat de recherche d'images pour "Isocrate d’Athènes"

Il est rhéteur et élève de Prodicos, Gorgias et Tisias et cependant influencé par Socrate. Il ouvre une école d’éloquence. Il dénonce la politique  impérialiste athénienne. Il écrit « Sur la paix » et s’oppose à Démosthène en encourageant une alliance entre macédoniens et grecs.

                 « 103. A ce que je crois, tout le monde reconnaît que les meilleurs dirigeants pour les Grecs seront ceux dont les fidèles sujets ont été les plus heureux. Or nous trouverons que c’est au  temps de notre hégémonie que les maisons des particuliers ont gagné le plus en prospérité et que les cités sont devenues les plus grandes. 104. Nous ne jalousions pas celles qui s’accroissaient ; nous n’y provoquions pas de troubles en plaçant l’un en face de l’autre des partis opposés afin que dans leur lutte mutuelle tous deux fussent nos serviteurs. Voyant dans l’accord des alliés un avantage pour tous, nous administrions toutes les cités avec les mêmes lois ; nos mesures étaient celles de vrais alliés, non de tyrans ; nous dirigions la politique générale tout en laissant à chacun sa liberté personnelle ; 105. Nous aidions le peuple, nous faisions la guerre au despotisme, car nous étions indignés que la majorité fût soumise au petit nombre, que les moins riches, qui pour le reste ne sont en rien inférieurs aux autres, fussent écartés des magistratures et qu’en outre dans la commune partie les uns fussent tyrans et les autres métèques et que des citoyens de naissance fussent exclus de la cité par la loi. 106. Ayant de tels reproches à faire aux oligarchies et de plus graves encore, nous avons établi chez les autres la même constitution que chez nous, et je ne sais s’il y a lieu d’en faire un long éloge, surtout alors que je puis m’exprimer brièvement à son sujet. Car c’est sous ce régime que nous avons vécu soixante-dix ans de suite sans connaître la tyrannie, indépendante en face des barbares délivrés de toute lutte intestine, en paix avec le monde entier. »

                                                                                                                                                             Panégyrique, 103.

  

b) Isée (c. 420 – 350 av. J.-C.)

Orateur élève d’Isocrate. Il écrit des textes sur les successions et héritages.

                 « Ce ne sont pas ces faits seulement qui mettent en évidence que notre mère était fille légitime de Kiron, mais encore la conduite de notre père et l’attitude des femmes du dème envers elle. Quand notre père la prit en mariage, il offrit un repas de noces et y invita trois de ses amis en même temps que ses proches ; il donna aussi aux membres de sa phratrie un banquet solennel, conformément à leurs statuts. Les femmes du dème, dans la suite, choisirent notre mère avec la femme de Dioklès de Pithos pour présider aux Thesmophories et accomplir avec celle-ci les cérémonies d’usage. Notre père, dès notre naissance, nous présenta dans sa phratrie sous serment, conformément aux statuts, que nous étions nés d’une citoyenne, mariée légalement ; des membres de la phratrie, aucun ne fit opposition ni ne contesta la vérité de sa déclaration ; pourtant l’assemblée était nombreuse, et l’examen, en pareil cas, est rigoureux. Or vous ne pourriez croire que, si notre mère avait été ce que prétendent nos adversaires, notre père eût donné un repas de noces ou un banquet solennel à la phratrie ; non, il eût tenu tout secret. Les femmes du  dème ne l’auraient pas non plus choisie pour présider à des cérémonies religieuses de compagnie avec la femme de Dioklès et ne lui auraient pas laissé la libre disposition des objets du culte ; elles en auraient confié le soin à quelque autre femme. Les membres de la phratrie ne nous auraient pas admis ; ils auraient soulevé une plainte, ouvert une enquête, s’il n’avait pas été unanimement reconnu que notre mère était fille légitime de Kiron. En réalité, devant l’évidence du fait et la connaissance qu’en avaient tant de gens, aucune contestation de ce genre ne s’est produite. Pour preuve que je dis vrai, appelle-moi là-dessus les témoins.

                                                                                                                             La succession de Kiron, Discours, VII.

 

 c) Protagoras

Il est un intime de Périclès. Il traite de questions politiques. Il ne nous reste que quelques fragments des sophistes. Il est l’un des protagonistes de Socrate dans les « Dialogues de Platon ». Il transmet un véritable savoir sophiste :   pour parler en public

                                                  :           il identifie rhétorique et politique

                                                               - toutes les questions sont sujettes à débat : rien n’est vrai à priori

                                                               - l’homme est à la mesure de toute chose.

 

Pour une connaissance approfondie des sophistes, voir Jacqueline de Romilly.                                             

 

4) Orateurs et hommes politiques

 a) Démosthène d’Athènes (384 – 322 av. J.-C.)Résultat de recherche d'images pour "Démosthène d’Athènes"

Il suit les cours d’éloquence d’Isée. Passionné de politique, il opte pour le parti pacifiste contre les macédoniens et alerte sur la menace que représente Philippe.  Il est empoisonné dans le sanctuaire de Poséidon par Antipater à la suite de sa révolte contre les macédoniens.

 

                « 21. Et d’abord faut-il rappeler que Philippe, faible et humble au début, est devenu puissant, que les Grecs sont en défiance et en discorde les uns avec les autres, que, s’il était alors invraisemblable qu’étant si petit il devînt si grand, il l’est bien moins aujourd’hui, après tant de succès déjà obtenus, qu’il mette encore tout le reste sous sa domination ? Non , tout cela et tous les faits analogues que je pourrais énumérer, je le passerai sous silence. Mais ce qui me frappe, c’est que tous aujourd’hui, - à commencer par vous,- oui, tous lui concèdent ce qui, de tout temps, a fait le sujet de toutes les guerres en Grèce. Quoi donc ? Le droit d’agir arbitrairement, celui de mutiler et de détrousser à son gré sous les Grecs l’un après l’autre, celui d’attaquer les villes et de les réduire en esclavage. (…)

Et pourtant tous les actes injustes qui ont pu être commis, soit par les Lacédémoniens pendants ces trente années, soit par nos ancêtres en soixante-dix ans, n’également pas, Athéniens, le mal que Philippe, depuis moins de treize ans qu’il a émergé de son obscurité, a infligé aux Grecs ; ou plutôt ils ne sont rien en comparaison. »

                                                                                                                                                             III Philippique, II, 21.

 b) Eschine (389 av. J.-C. - ?)

Orateur et politique. Adversaire de Démosthène. Tous deux s’agressent par discours interposés, en particulier dans « Contre Ctesiphon ». Il fut exilé à Rhodes.

                 « 154. Quel est le Grec, quel est l’homme élevé dans des sentiments généreux qui ne souffrirait pas en se rappelant, au théâtre, à, défaut d’autre, le seul souvenir que voici ? Jadis, en un temps où la cité était mieux gouvernée et possédait de meilleurs chefs, ce même jour, au moment où, comme maintenant, l’on allait représenter les tragédies, le héraut s’avançait, présentait les orphelins dont les pères étaient morts à la guerre, adolescents revêtus de l’armure complète, et prononçait la plus belle des proclamations, la mieux faite pour inciter à la vertu : « Le peuple a élevé jusqu’à l’adolescence ces jeunes gens dont les pères sont morts à la guerre en vaillants guerriers ; et maintenant il les arme de cette armure complète, il les laisse chacun poursuivre sa carrière en les recommandant à la bonne fortune, et les invite à occuper le premier rang au théâtre. » 155. Ainsi parlait alors le héraut, mais non point aujourd’hui. Car lorsqu’il aura présenté l’homme qui a rendu ces enfants orphelins, quelle proclamation pourra-t-il faire, quelle parole pourra-t-il prononcer ? Lira-t-il les prescriptions mêmes du décret ? Du moins, l’indignation que la vérité inspire ne restera pas silencieuse, on croira l’entendre contredire la voix du héraut : « Cet homme, dira-t-elle, cet homme, si c’est bien là un homme, le peuple d’Athènes le couronne pour sa vertu, lui, le pire d’entre les méchants, et pour sa vaillance, lui, le lâche et le déserteur ! » 156. Par Zeus et par tous les dieux, citoyens d’Athènes, n’érigez pas, je vous en conjure, un trophée à vos propres dépens dans le théâtre de Dionysos, et ne convainquez pas de folie le peuple d’Athènes à la face des Grecs ! »

                                                                                                                                             Contre Ctésiphon, III, 154-156.

 

c) Lycurgue (390 – 324 av. J.-C.)

Au hit parade des orateurs, il écrit la  « Constitution de Sparte ». Opposant à Philippe de Macédoine. Il redresse Athènes en 338 – 327. Il prend part à la bataille de Chéronée (défaite 338), s’occupe des finances, forte hausse des revenus d’Athènes (impôts, taxes, souscriptions publiques, baisses subventions, travaux de grande envergure). Il remet sur pied marine et armée.

Seul discours conservé :

                 « 3. J’aurais voulu, Athéniens, puisque aussi bien il est utile à l’Etat qu’il se trouve des citoyens pour livrer les délinquants à la justice, que ce rôle fût un titre à la reconnaissance du peuple. C’est le contraire qui advient : en s’exposant à des risques personnels et à l’hostilité par zèle pour l’intérêt général, on paraît inspiré, non par le patriotisme,  mais par un esprit de chicane : la prévention injuste tout à la foi et funeste à l’Etat. 4. Il y a trois conditions essentielles, en effet, à la sauvegarde et au salut de la démocratie et du bien public : tout d’abord les prescriptions des lois, puis le suffrage des juges, enfin l’accusation qui leur livre les délits. Le rôle de la loi, c’est d’indiquer d’avance ce qui est interdit de faire ; l’accusation dénonce ceux qui sont passibles des pénalités légales ; le  juge châtie ceux qui lui sont désignés par l’une et par l’autre : en sorte que ni la loi si le suffrage des juges n’ont de pouvoir, s’il n’y a quelqu’un pour leur déférer les coupables. 5. Pour ma part, Athéniens, sachant que Léocrate s’était dérobé à tous les périls de la défense nationale, qu’il avait abandonné ses concitoyens, livré toutes vos forces, bref qu’il est sous le coup de tous les griefs visés par l’accusation, je lui ai intenté ce procès en haute trahison. Ce n’est point une haine personnelle ni le moindre goût pour la chicane qui m’ont poussé à engager ce débat ; mais j’ai considéré comme un scandale de permettre l’accès de l’agora et la fréquentation de nos cultes publics à un homme qui était devenu l’opprobre de son pays et de vous tous. 6. C’est le devoir d’un bon citoyen, non pas d’écouter ses ressentiments personnels pour exposer à des procès publics ceux qui ne font aucun tort à l’Etat, mais de tenir pour ennemis personnels ceux qui contreviennent aux lois de la cité, et d’estimer que les délits qui lèsent la communauté des citoyens sont pour la communauté des raisons d’inimité à l’égard de leurs auteurs. »

                                                                                                                                                             Contre Léocrate.

 

 

Philosophes

 a) ThéophrasteRésultat de recherche d'images pour "théophraste les caractères"

Né à Lesbos, fils de Foulon, il suivit l’enseignement d’Aristote qu’il accompagna en Asie Mineure. Il lui succéda à la tête du Lycée. Il est connu pour « Les Caractères » (cf. la Bruyère) qui sont un prolongement de « L’Ethique ». On les retrouve chez Ménandre qui fut son élève.

 L’homme chagrin

                 « L’humeur chagrine est une critique injustifiée des avantages qu’on a reçus. Et voici quelle sorte d’homme est l’homme chagrin. Un ami lui a-t-il envoyé une part de son repas : « Ton maître, dit-il au porteur, ne m’a sans doute pas jugé digne de sa soupe et de son clairet, puisqu’il ne m’a pas invité. » Sa maîtresse lui prodigue-t-elle les baisers : « Je serais bien étonné, murmure-t-il, si toutes ces tendresses venaient du cœur. » Il s’irrite contre Zeus, non de ce qu’il ne pleut pas, mais de ce que la pluie vient si tard. Trouvant sur son chemin une bourse : « Oui, fait-il, ; mais un trésor, je n’en ai jamais trouvé ! » s’il a acquis un esclave à bon compte et à force d’instances auprès du vendeur : « Voilà, dit-il, une marchandise à bien bas prix pour être de bonne qualité ! » Vient-on lui apporter l’heureuse nouvelle de la naissance d’un fils : « Ajoute, réplique-t-il, que voilà mon bien réduit de moitié, et tu diras la vérité ! » Ayant gagné un procès à l‘unanimité des voix, il reproche néanmoins à l’auteur du plaidoyer d’avoir négligé nombre de raisons. Ses amis s’étant cotisés pour un prêt d’amitié en sa faveur : « Allons, sois satisfait », lui dit l’un deux. « Et de quoi ? réplique-t-il. De ce qu’il me faudra rembourser chacun des prêteurs et, outre cela, leur devoir encore de la reconnaissance à titre d’obligé ? »

                                                                                                                                                  Théophraste « Les Caractères ».

  

 Ainsi s’achève ce rapide tour d’horizon de la littérature grecque antique qui nous permet à la fois de prendre conscience de l’intérêt des écrivains de l’époque pour les questions touchant à la vie politique ; de la diversité des genres concernés ; de l’importance de la littérature dans la formation des consciences.

 

ANASTASIA CHOPPLET

Conférenciere et philosophe

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

 

 

Eschyle – Orestie

W. Marx – Le Tombeau d’Œdipe – Ed. de Minuit. 2012

Aristophane – Les Cavaliers -L’assemblée des femmes

Jacqueline de Romilly – Les grandes sophistes dans l’Athènes de Périclès – Livre de Poche –                                                          Références. 1988

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