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Conférences de Solange Anastasia Chopplet
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25 juillet 2022

L’Homme est-il un animal comme les autres ?

L’HOMME EST-IL UN ANIMAL COMME LES AUTRES FACE A LA NATURE?

 

Les affirmations quant la nature de l’homme (si tant est qu’il en possède une) sont pour le moins contradictoires. Qu’on le qualifie d’animal, certes politique, avec Aristote ou de « bipède sans plumes » avec Platon, ou encore de « singe nu », force est de constater que lorsqu’on veut définir l’homme la comparaison avec l’animal s’impose pour d’emblée justement l’en distinguer (1).

Or la question constituant notre sujet de réflexion ne fait pas autre chose en demandant si « l’homme est un animal comme les autres » présupposant d’une part qu’il en est un, mais d’autre part s’interrogeant sur les limites de cette comparaison dans un cadre spécifique qui est celui de l’affrontement à la nature, ainsi que le suggère la spécification « face à ». Celle-ci présuppose que d’une part l’animal et l’homme n’ont pas le même comportement face à la nature et d’autre part que leur relation à celle-ci serait uniquement de confrontation. L‘homme serait à l’extérieur du milieu dans lequel il vit, comme face à la société. Or c’est l’individu qui constitue la société, de même qu’il évolue au sein de la nature avec laquelle il a un double rapport à la fois d’affrontement et de complémentarité. Il est donc paradoxal à la fois d’affirmer que l’homme est un animal et en même temps qu’il est à l’extérieur de la nature, alors que l’animal en est partie prenante.

Cependant si on atteste avec Hegel qu’on ne se pose qu’en s’opposant alors il faut concevoir la nature comme un défi face auquel l’homme et l’animal ne réagissent pas de la même façon, ni avec les mêmes moyens car s’ils relèvent du même genre, ils se distinguent par des différences spécifiques. La relation à la nature serait la pierre de touche des spécificités humaines.

Nous nous proposons d’explorer ces différentes pistes de réflexion en nous interrogeant tout d’abord sur le genre commun à l’animal et  l’homme, puis sur les traits spécifiques de celui-ci déterminant les modalités de ses relations avec ladite nature en lui, comme hors de lui, enfin sur le défi que la nature représente pour l’homme.

 

Bien que les créationnistes contestent l’appartenance de l’homme au genre animal l’évolutionnisme en général a depuis Darwin  établi une filiation entre les formes les plus simples du vivant jusqu’aux plus sophistiquées .Il est incontestable que l’homme présente des similitudes génétiques avec l’animal et en particulier avec le chimpanzé.

Comme tout vivant l’homme éprouve  des besoins vitaux, manger, boire, se protéger, procréer, rechercher le plaisir et fuir la douleur. Mais à la différence de l’animal qui est immédiatement adapté à la nature, l’homme s’adapte celle-ci par des moyens extracorporels. En effet physiquement l’homme est un être fragile, vulnérable et ce d’autant plus qu’il est doué d’une conscience réfléchie. Grâce à celle-ci il se sait mortel, il se connait comme temporel et par conséquent il éprouve l’angoisse d’être au monde,

il s’interroge sur le sens de son existence et sur lui-même face au cosmos. Pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien? Qui suis-je dans l’univers? Comment puis-je lui résister?

En l’occurrence la nature représente le défi par excellence des capacités physiques et mentales de l’homme. A ce défi il répond par la culture qui semble, dans sa croissance et sa sophistication le propre de l’homme.

Or la culture requiert des facteurs dont la complexité non seulement définit les rapports de l’homme au monde mais crée un monde humain possible.

Parmi ces facteurs, la raison, capacité d’évaluer, de peser, de mesurer, instaure une relation quantitative de l’homme au monde qu’il quadrille de lois afin de comprendre les phénomènes et de les prévoir. Mais sa relation n’est pas seulement rationnelle elle est aussi intuitive ce qui paradoxalement donne un fondement non rationnel à la pensée discursive.

Dans la mesure où l’homme est doué d’imagination il a la capacité de créer des mondes possibles grâce à la technique qu’elle soit ou non dévouée à la production d’œuvres d’art. Ce faisant il ajoute à la nature, il la transforme afin à la fois de satisfaire ses désirs et de soulager ses angoisses d’être au monde. Ainsi apprend-il à se connaitre en situation, en tant que mortel vivant en société et voué au travail.

Rappelons qu’on ne se pose qu’en s’opposant, or c’est parce que l’homme s’oppose à la nature qu’il se pose en tant qu’homme doué d’esprit face à la matière. Mais l’opposition si elle est certes nécessaire n’est pas suffisante, voire peut mener à des impasses.

Ainsi au XVIIème siècle, qui est le seuil de la modernité, des choix ont été faits. Ceux de distinguer matière et esprit, de réduire la nature à de la matière étendue et ce faisant de se rendre « comme maître et possesseur de la nature » (Descartes). C’est le triomphe de l’homme face à une nature dé -substantialisée dont Pascal écrivait que « le silence de ces espaces infinis » l’effrayait. D’autres réponses furent fournies, celle de F. Bacon affirmant qu’ « on ne peut commander à la nature qu’en lui obéissant » mais quelles que soient les théories élaborées, toutes nécessairement réfutables pour être vraies, elles s’interrogent sur ce que l’homme peut, veut et doit. Dans cette perspective l’animal est une pierre de touche cruciale pour l’homme en général et pour le philosophe en particulier qui éprouve pour celui-là autant de répulsion que d’attraction.

Pour Descartes l’animal est une machine, en tout cas en théorie, ce que lui reprochera Voltaire. Il est loin alors le temps où l’animal était déifié dans les temples égyptiens et les grottes préhistoriques avant d’être diabolisé par les chrétiens, crucifié et brulé vif avec les sorcières. Le sort de l’animal et de la femme seraient-ils similaires?

Rapport donc pour le moins ambigu et si l’éthologie a fait de formidables progrès en matière de connaissance animale au point de découvrir un continent caché, on poursuit la vivisection et la torture de l’animal comme du végétal.

Qu’apporte alors le face à face de l'homme à la nature  incarné par l'animal ? Pour l’instant rien, et l’on peut en dire autant du végétal dont on découvre à peine les moyens de communication.

Fort de la supériorité que lui confère son esprit, l’homme en fait un moyen de domination et d’aliénation. Et de même qu’il considère comme dévalorisant de se définir comme un homo faber, de même veut-il oublier qu’il est un animal qui comme celui-ci peut avoir d’autres réponses que lui face au monde.

Dans son ouvrage « De l’Afrique » Wole Soyinka développe une pensée du totalisme cosmique puisant dans les forces vitales du cosmos les éléments requis à un agir sensoriel et extrasensoriel. Dès lors l’homme réalise qu’il n’est pas « face à la nature » mais dans celle-ci et que c’est avec elle qu’il faut composer sous peine de s’anéantir en s’y opposant.

Toute pensée qui élève des murs au lieu de construire des ponts, est une pensée impuissante qui ne songe qu’à se protéger de ce qu’elle ne peut attraper dans ses filets. Les poètes le savent depuis longtemps, les techniciens de l’industrie l’ignorent qui arraisonnent et rançonnent la nature au lieu de l’écouter et d’en faire comme le préconisait Montaigne « un doux guide ».

A la question de savoir si  « l’homme est un animal comme les autres face à la nature » nous avons pu voir que cette question nous pousse à nous interroger sur ce qu’est l’homme en évitant les deux écueils de l’identification et de la distinction radicale. Animal certes de par son genre, l’homme présente des différences spécifiques qui le conduisent à élaborer un monde humain nommé culture mais qui n’est viable que dans la mesure où elle prend la nature comme guide et non comme objet  de domination voire  d’une destruction qui l’anéantit elle-même.

Le « face à » doit se transformer en « avec » selon le génie de l’équivocité qui définit l’homme comme l’affirme Merleau Ponty, et caractérise la complexité de notre relation à nous-mêmes en tant que nature, et culture..

Au XVIème siècle on se demandait si les Indiens avaient une âme et comment on devait les traiter. Au XXIème siècle la question a changé d’objet mais demeure la même.

 

ANASTASIA CHOPPLET

Conférencière et philosophe

 

 

(1) Ecouter sur France Culture : La conversation scientifique – Etienne Klein « L’homme qu’est-ce ? »

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