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Conférences de Solange Anastasia Chopplet
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28 février 2022

PHENOMENOLOGIE DE LA PERCEPTION

 

MERLEAU PONTY – PHENOMENOLOGIE DE LA PERCEPTION

Merleau Ponty dans cet extrait de la « Phénoménologie de la perception » écrit en 1945 aborde la question de la nature humaine par le biais des expériences simples que chacun fait : crier lorsqu’on est en colère, nommer une table par ce nom, afin de déterminer si  les comportements sont naturels. Ne dit-on pas qu’on est d’un naturel colérique? Ou joyeux ou « cool » pour employer le langage des adolescents. Ne trouve-t-on pas naturel « d’embrasser dans l’amour »? Ces actes relèveraient de notre nature et se reconnaitraient à leur caractère nécessaire et universel.

Pourtant en mentionnant la dénomination de « table » dont, par contre on s’accorde sur le caractère arbitraire, l’auteur met en doute l’origine naturelle de nos comportements. Ne seraient-ils pas eux aussi issus de conventions que l’habitude nous fait oublier? Merleau Ponty qui en est convaincu affirme que « les sentiments comme les conduites passionnelles sont inventés comme les mots ».

Poursuivant sa gradation ascendante il s’« attaque » à un tabou de notre société : l’instinct paternel, et on pourrait ajouter maternel, dont on pense qu’à titre d’instincts ils sont « inscrits dans notre corps » et par conséquent normaux. Ne dit-on pas d’une femme qui refuse la maternité qu’elle n’est pas une vraie femme? On glisse subrepticement vers le jugement moral et la nature devient la norme d’un comportement normal.

Mais là encore cet instinct est en fait institué par les autorités morales, religieuses et politiques en  vertu d’objectifs de normalisation et d’enjeux économiques et idéologiques. N’est-ce pas du reste pour les sauvegarder que le mariage a été institué?

De la sorte la culture apparait comme une seconde nature.

Dès lors, et c’est la thèse de l’auteur, on ne peut distinguer ce qui relève de  la nature et de la culture en l’homme, car si nos comportements ont bien une origine biologique ils sont in-formés par la culture dans laquelle on vit. Comment expliquer autrement que si se nourrir est un acte naturel, les façons de s’alimenter diffèrent dans le temps et l’espace, ce qui n’est pas le cas des animaux sauvages d’une même espèce. Se nourrir relève certes d’un besoin mais revêt des sens différents :  idéologique : (appartenance à une classe sociale), spirituel : (le jeûne, le ramadan, la nourriture kasher), moral (on trouvera répugnante, cruelle, voire anormale la personne se nourrissant de vers de terre, buvant de l’urine…). C’est pourquoi en l’homme rien ne se réduit au biologique, l’homme appartient certes au genre animal, mais son espèce est particulière et a développé la culture qui confère un sens humain aux données naturelles.

Ainsi Merleau Ponty s’inscrit-il en faux d’une part vis-à-vis de ceux qui soutiennent une radicale dissociation entre nature et culture et d’autre part contre ceux qui regrettent la simplicité animale qu’aurait perdu l’homme à cause du développement de la culture, mais ils oublient qu’étant nécessaire et universelle elle est une donnée qui fait partie du développement naturel de l’homme et non de l’animal.

Et l’auteur de conclure son raisonnement inductif par une définition de l’homme caractérisée par son « sens de l’équivoque » qu’il nomme aussi « échappement ».

A quoi l’homme cherche-t-il à échapper? Précisément au déterminisme biologique qui certes adapte immédiatement l’individu à son milieu et lui offre les possibilités naturelles de subvenir à ses besoins et à ceux de l’espèce mais qui en même temps le prive du choix de devenir ce qu’il aura décidé d’être. Choix qui à la fois fait de lui un être libre mais aussi responsable de ses actes. Qui songerait à condamner un lion tuant « ses » lionceaux pour que la femelle soit à nouveau en chaleur? Tout autre serait le sort d’un homme.

Ainsi l’animal est-il immédiatement ce qu’il sera, l’homme ne deviendra tel qu’au « bout » d’un long apprentissage qui aura stimulé ses potentialités.

Victor de l’Aveyron élève de Jean Itard en livre un parfait exemple où l’on voit bien à quel point il est long, douloureux et difficile de devenir un homme. « On ne nait pas homme on le devient » c’est pourquoi  « l’homme n’a pas de culture mais il est une histoire » (L. Malson).

Cet échappement du terreau biologique s’exprime par des moyens divers et variés qui génèrent l’équivocité que mentionne Merleau Ponty, pour signifier que nos sentiments et conduites passionnelles revêtant des formes culturelles diverses sont l’objet d’interprétation car ils peuvent engendrer méprises et quiproquos. Ainsi notre façon d’occuper l’espace est-elle sujette à questionnement. Un allemand verra comme une agression le fait qu’on s’approche de lui à trente centimètres, tandis qu’un méditerranéen y verra un comportement chaleureux. Les codes de civilité incompris peuvent mener à mécompréhensions problématiques. Il n’est que de songer aux rituels extrême-orientaux.

Ainsi l’homme acquiert-il en liberté ce qu’il perd en adéquation immédiate, et gagne-t-il en sens, en intelligence et réflexion ce qu’il perd en simplicité, créant ainsi le champ infini de la culture qui rend inassignable une nature humaine close et définitive.

 

ANASTASIA CHOPPLET

Conférencière et philosophe

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