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Conférences de Solange Anastasia Chopplet
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13 septembre 2021

FRANCIS WOLFF

FRANCIS WOLF

Francis Wolff interviewé par Martin Duru pour Philosophie Magazine le 25 octobre 2017 répond à la question de savoir si et comment l’on peut définir l’homme.

Il s’avère que cette question, vieille comme l’homme, semble-t-il, demeure sans réponse ou plutôt que celle-ci change dans le temps et l’espace.

Or si dans l’antiquité la définition de l’homme reposait sur sa distinction d’avec l’animal « la mode actuelle » remet celle-ci en question.

Notons que le terme de « mode » induit le caractère passager, voire superficiel, de ce qui relève d’une opinion ponctuelle.

Pour lors Wolff opte pour un retour anachronique aux philosophes de l’antiquité, à savoir Platon et surtout Aristote puisqu’il définit l’homme comme un zoon politikon.

Certes il admet bien que l’homme est un animal ou plutôt un vivant, mais rationnel en prenant soin de ne pas dénier à l’animal la possession d’une intelligence logique même s’il est dépourvu de langage. De la sorte Wolff retient avant tout de la définition du logos : discours- raison – parole la composante verbale.

Dès lors dans la seconde partie de son interview il se focalise sur ce qui fait la spécificité du langage humain sans pour autant nier que les animaux usent de moyens et de signes de communication.

Le langage humain se caractérise par le dialogue c’est-à-dire par la capacité d’échanger des paroles et donc comme il le spécifie in fine, de faire l’épreuve de l’altérité, c’est-à-dire du fait que l’autre est à la fois un autre que moi-même mais aussi un autre moi-même avec lequel je puis dialoguer, c’est-à-dire échanger des idées rationnelles.

Pa ailleurs le langage a la capacité paradoxale de se contredire, donc d’être illogique voire irrationnel, ce qui est le cas du mensonge qui s’assortit d’une volonté de nuire.

Il permet en outre de parler de ce qui n’existe pas, autrement dit de produire des abstractions, le concept de « chaise » par exemple ne se réfère pas à la chaise sur laquelle je suis assise.

Je suis en effet assise sur une chaise concrète et non sur l’idée de (la) chaise.

Enfin toujours en termes de capacités spécifiques, le langage peut produire et comprendre une infinité de messages puisqu’il est un système de signes arbitraires doublement articulés, ce qui semble-t-il ne serait pas le fait des signes de la communication animale.

C’est pourquoi Wolff affirme que le langage propre à l’homme est un phénomène « unique dans la nature ».

Reste maintenant à en évaluer les effets déjà stipulés par Aristote caractérisant l’homme un  ekon  logon    susceptible de générer la sphère sociale et morale.

En effet dès lors que l’homme dialogue, il entre en relation avec ses congénères et de ce fait construit son identité propre mais aussi sa vie en commun. Or vivre en société et élaborer les valeurs qui vont permettre le vivre ensemble en font une personne vivant en communauté et non un individu évoluant dans un groupe. Autrement dit il tisse des liens et le langage du ciment social.

Chacun reconnait en l’autre son alter égo responsable et de ce fait libre avec lequel il va contracter des liens, tandis que l’animal demeure contraint par ses déterminismes naturels.

 Dans quelle mesure peut-on définir l’homme par le langage?

 La question telle qu’elle est posée présuppose que l’on pourrait définir l’homme c’est-à-dire instaurer des limites dans lesquelles il pourrait être contenu, mais en l’occurrence la réponse proposée, à savoir le langage, serait certes une réponse peut-être nécessaire mais en tout cas sur la suffisance de laquelle nous somme invités à nous interroger.

Le langage suffit-il à définir l’homme ou bien cette condition s’assortit-elle d’autres et même l’ensemble de celles-ci peuvent –elles réduire « le génie de l’équivocité » par lequel Merleau Ponty définit l’homme?

A priori comme l’affirme Wolff, l’homme est un vivant parlant ce qui lui permet d’instaurer des liens avec ses congénères en tant que personne(s).

Grâce au langage, il se construit. L‘enfant en effet cherche très vite à mettre des mots sur ce qu’il veut et ressent, sur ce qui l’entoure afin de se rendre le monde familier et lui conférer un sens.

Descartes référait cela au fait que l’homme était un être doué de raison, qui même privé de la parole, générait des signes pour se faire comprendre.

 Cependant on peut objecter d’une part que l’homme se signale par une morphologie propre qui lui permet de devenir un bipède, que son code génétique le distingue de tout autre animal et qu’enfin il a des potentialités naturelles telles celles qui lui permettront d’émettre des sons articulés à condition toutefois de vivre en société comme nous l’ont appris les cas de Victor de l‘Aveyron et de Caspar Hauser qui, en l’absence de stimulations, ne possédaient pas l’usage de la parole.

D’autre part l’homme se signale par tout un ensemble de caractéristiques génératrices de culture.

Ainsi a-t-il, grâce au feu, pu passer du cru au cuit comme l’y invitait sa faible mâchoire dépourvue de crocs. Il a appris, à la différence de l’animal, à faire des outils,  à les améliorer, les conserver, les accumuler et les transmettre. C’est pourquoi Bergson définit l'homme comme un homo faber.

 Il a élaboré des lois définissant le permis et le défendu, tel l’interdit de l’inceste qui relève autant de la nature que de la culture.

Enfin, mais la liste n’est pas close, il a le sens du sacré et de ce fait distingue celui-ci du profane et génère des abstractions qui font de lui un homo religiosus.

On voit donc que la question de la définition de l’homme est complexe, puisqu’il est à la fois,  homo sapiens ; homo faber et homo religiosus, sans oublier  l’homo économicus…

Dès lors cela confirme qu’on ne peut pas définir l’homme par le seul langage même si celui-ci est nécessaire à la culture, c’est-à-dire à tout ce que l’homme ajoute à la nature, et à l’élaboration d’abstractions qui permettent de faire de la réalité un monde humain. Par ailleurs force est de constater que le langage ne se limite  pas à l’émission de sons articulés.

En effet tout fait langage : les mimiques faciales, l’occupation de l’espace, la gestuelle, le regard.

En fait tout le corps fait langage et interagit ou plutôt, en interagissant avec d’autres corps dans un dialogue infini qui demande à être interprété.

Wolff du reste l’induit lorsqu’il évoque la capacité du langage à se contredire ce qui induit la nécessité de son interprétation.

Le langage humain, contrairement aux machines intelligentes connait l’erreur, le mensonge, l’ambiguïté, ce qui en fait tout l’intérêt et nous renvoie à la complexité de l’humain.

C’est pourquoi plutôt que de le définir par le  seul langage, nous préfèrerions avec Merleau Ponty, souligner sa capacité d’échappement à toute assignation de sens. L’auteur en une assertion énigmatique qualifie l’homme de « génie de l’équivoque », équivocité que véhicule le langage et qui n’est autre que celle de l’homme lui-même.

Du reste cette complexité est soulignée par le débat entre Rousseau et Voltaire à propos de l’animal comparé à l’homme qui fait ressortir que l’homme tient à la nature en tant que « machine » ce qu’il partage avec l’animal, mais qu’il s’en distingue par sa capacité de perfectionnement qui préside à son « échappement » de la nature et explique sa variété et sa complexité dont témoigne la culture qu’il génère.

 A la question de savoir comment définir l’homme nous avons, avec Wolff, répondu que le langage est le propre de l’homme, mais en nuançant ce propos par des caractéristiques propres à sa nature et aussi à la culture qu’il produit et qui le fait.

 Cependant l’ensemble, lacunaire, de ces caractéristiques témoigne de ce qui pourrait être le propre de l’homme, le génie de l’équivocité, qui fait qu’on ne peut pas plus lui assigner une définition, à laquelle il échappe, qu’on ne peut assigner UN sens à une parole.

Mais peut-on en assigner un aux signes qu’émettent les animaux et les végétaux? Ne serait-il pas à propos de dépasser les querelles et prétentions du naturalisme?

 

ANASTASIA CHOPPLET

 

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