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Conférences de Solange Anastasia Chopplet
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28 octobre 2020

LA FORCE DE VIVRE

LA FORCE DE VIVRE

 

 

La force de vivre, qui se trouve au cœur de l'actualité qui elle-même est au centre de la préoccupation essentielle de l'homme, lui rappelle qu'il est un être fait pour la mort à laquelle malgré tout il résiste. C'est du reste ainsi que Bichat définit la vie comme « l'ensemble des fonctions qui résista la mort ». Dans cette perspective la force de vivre relève tout d'abord de l'instinct de survie lequel met en jeu des mécanismes naturels de défense face auxquels nous ne sommes du reste pas égaux.

Mais si l'humain partage cet instinct avec l'animal, il ne suffit pas à définir ni à alimenter la force de vivre. Il faut en effet à l'homme de bonnes raisons de vivre et du reste il est l'un des rares êtres à mettre fin à ses jours, à connaître la dépression, à ne plus avoir envie de rien, pas même de vivre.

            Face à Éros qui veut vivre même s'il est pauvre et démuni, se dresse Thanatos qui veut l'anéantissement et l'homme d'avoir à choisir entre lui céder ou lui résister. Car c'est bien de résistance qu'il s'agit, résister à tout ce qui pourrait détruire la vie.

Mais résister ne suffit pas, voire résister est une position de défense alors que la force requiert l'attaque, l'allant, la projection mais pour cela il faut être motivé. On ne cesse de le répéter et de se le répéter : soit motivé,  motive toi, c'est-à-dire trouve des motifs d'agir, de vivre, d'espérer.

 Mais où les puiser?

             Qu'est-ce qui me donnera la force de trouver un sens à ma vie alors que je suis mortel ? Faut-il se divertir, au sens pascalien pour occulter sa misère intérieure et ainsi mettre fin à l'angoisse d'en être conscient?. Certes elle sera suspendue le temps du divertissement mais elle n'en reviendra qu'avec plus de force, mais une force qui ne sera pas celle de vivre.

Caractère paradoxal donc, d'un concept qui se fait injonction pour l'être qui se sait fragile et mortel. La force de vivre s'originerait-elle dans la conscience et le refus d'être mortel, en tout cas pas maintenant? On espérerait toujours un sursis même lorsque comme le bûcheron  on  a appelé la mort de ses vœux.

            Ceci pourrait expliquer ces incompréhensibles résistances aux pires conditions de misère, de torture, d'internement. Ou ces grands souffrants ont-ils puisé la force de vivre? Nietzsche en est  un exemple remarquable.

La force de vivre n'est donc pas une donnée biologique et doit être distinguée de l'instinct vital mais renvoie à l'idée d'une tache, d'une lutte, voire d'un devoir d'exemplarité en tout cas d'un agir. Il y a du vouloir dans cette force qui en appel à la puissance de vivre mais aussi au courage d'exister. Il y a aussi une forme d'agressivité, celle qui permet de surmonter les forces d’opposition, vivre alors se définit comme une lutte.

            La force de vivre se caractérise donc à la fois comme le déploiement d'une force physique et d'autre part d'une force psychique qui bien souvent emporte la première lorsqu'à bout de force on va puiser au fond de sa détermination. Cette force spirituelle permet à l'homme de réaliser ce qui abattrait un animal.

C'est pourquoi l'homme existe de  façon différente de l'animal car si celui-ci vit, l'homme ex-siste c'est-à-dire se tient hors de sa condition première en tant que le projet jeté devant lui et devant être réalisé à fin de devenir ce qu'il est.

C'est donc de la force d'exister qu'il s'agit en l'occurrence, car si la force de vivre concerne les règnes animal et végétal dont l'homme fait parti, celle d'exister lui est propre, car il est un être pour qui vivre pose problème. « Etre ou ne pas être telle est la question » qui s'assortit de celle de savoir comment vivre car l'homme ne se contente pas d'une vie qui ne serait que survie ou pure consommation, il veut vivre bien et pas seulement bien vivre.

             Chacun y répondra différemment. Bien souvent l'amour sera la première réponse. On puise la force et la joie de vivre dans l'amour que l'on porte à l'autre pour qui on est paradoxalement capable de sacrifier sa propre vie. On peut aussi la puiser dans les valeurs auxquelles on croit : patrie, liberté, justice, égalité, vérité ; ou encore dans la foi, dans le Tout  Autre dont on se tient mais auquel on risque de sacrifier la vie en s'en détournant. Mais si pour ces valeurs on est prêt à mourir alors cela ne signifie-t-il pas que la vie n'est pas la valeur pré éminente? Mais ne sacrifie-t-on à toujours ce que l'on a de plus précieux ?

            Il est encore une autre réponse qui est l’art, n'est-il pas après tout ce qui sauvera le monde et pourra conférer la force de vivre grâce à son effet cathartique? En effet l'exemplarité du courage de ceux qui ont eu la force de vivre peut nous purger de nos craintes et faiblesses et nous conférer cette force. Ainsi dans la Grèce antique les petits grecs apprenaient-ils par cœur l'Iliade et l'Odyssée. Tous les manuels d'histoire ont leurs héros et les religions leurs saints.

Or c'est là qu'apparaît la fonction du récit. En effet c'est grâce à une fiction que les artistes procèdent, elle est peut-être enracinée dans un vécu mais elle n'est pas le vécu lui-même qui en empêcherait la réalisation. Il faut en effet pour témoigner une distance, la bonne, ni trop près ni trop loin, il faut à la fois être à l'intérieur et à l'extérieur, éprouver sans s' abandonner, conceptualiser sans desubstancialiser.

            Ainsi est-ce le problème de l'écrivain qu'il ait ou non vécu lui-même une grande douleur qui a brisé sa force de vivre et l'on pensera à Victor Hugo, Chalamov, Soljenitsyne, Anna Seghers…

Il la reconquiert cependant dans le fait de pouvoir donner un nom aux choses et ainsi les mettre à distance. Comment trouver la force de vivre avec, car si on s'habitue on n' oublie jamais rien, et sans doute est-ce ce qui alimente la résilience, trouver dans la douleur même la force de persister dans l'être.

            Mais cette force dont on fait un impératif se heurte à notre éducation familiale, scolaire, sociale, qui nous apprend à mettre  toute notre force au service de l'obéissance. Tel est le double bind : pour vivre il faut oser, qui ose est condamnable.

C'est pourquoi bien souvent on renonce. En d'autres temps Nietzsche avait nommé nihilisme ce renoncement qui ébranlait l'Europe depuis l’Antiquité.  A la force de vivre, Platon avait substitué le mépris de la vie et le refuge dans un hypothétique monde des idées; le stoïcien avait enjoint de s'abstenir et de supporter et la démocratie avait conféré au peuple grâce aux lois le moyen d'assujettir les forts qui osaient affronter la vie dans ses violences et contradictions, quant au christianisme il avait promis un royaume post mortem.

C'est ainsi qu'à la résistance, à la créativité, à la puissance, s'étaient substitués la pitié, le ressentiment, la Sainte prudence pour conserver la vie en bocal au lieu de la vivre. Au projet on opposa les risques et  l'État-providence tentaculaire et sournoisement autoritaire se substituait au courage individuel.

À cela Nietzsche opposa la Gaia Sapienza, le grand air des cimes qui fait du philosophe un funambule dansant sur une corde au lieu d'un fonctionnaire médiatisé. Quant à nous nous déplorons l'état du monde devant nos écrans de télévision et nous laissons guider par d'invisibles maitres

 l) Problématisation

 On est  sans cesse sommés de se motiver, c'est-à-dire d'avoir suffisamment d'énergie pour entreprendre, mais le répéterait ton si nous en étions suffisamment pourvus?

Tout au contraire et le développement des béquilles pour se soutenir le moral témoignent que la force de vivre est sans cesse guettée par la dépression, la fatigue, l'anémie, la tristesse voire la mélancolie dont les représentations, en particulier celle de Dürer offre une image des signes somatiques

 II) Qu'est-ce que la force de vivre?

             Qu'est-ce donc que la force de vivre ? Pour répondre à cette question encore faudrait-il qu'elle eut un sens clair ce qui exige que l'on définisse les concepts qui sont sujets à interprétation. Examinons en premier lieu   celui de " vie" ; Pourquoi en effet la vie aurait-elle besoin d'une force ? N'est-elle pas intrinsèquement forte ? Si oui la formule est redondante et partant inutile. Si ce n'est pas le cas, quel est alors l'origine de cette force et comment s'allie-t-elle à la vie ? Est-elle permanente ou ponctuelle? Innée ou acquise? Peut-on en disposer?  Toutes ces questions nous reconduisent  à celle principielle de savoir ce qu'est le vivant.

            Or la force de vivre est une réponse à cette question Le vivant c'est une force qui résiste à la mort comme l'écrit Bichat, c'est ce qui persévère dans l'etre(Spinoza). La force en effet est une puissance d'action qui confère le courage  de vivre face à des situations aussi extrêmes que celles que Svetlana Alexievitch décrit dans" Derniers témoins". A les lire on ne comprend même pas comment une telle résistance est possible. Cela tient au vital le plus instinctif. La réflexion  n'y a rien à voir et pourtant comme le stipule l'ami de Saint-Exupéry dans" Terre des hommes" même un animal n'aurait pas fait ce que j'ai fait. Qu'est-ce qui donne à l'homme cette force de vivre malgré tout, malgré le fait qu'il se sache fait pour la mort ? Une telle conscience  ne devrait-elle pas abattre toute force de vivre ?

            Quant à la vie on peut l'appréhender soit comme un phénomène biologique en tant que processus d'accroissement et renouvellement des éléments constitutifs d'un être doué des fonctions de reproduction, alimentation, réparation, perception, accroissement ; soit comme l'ensemble des événements constituant le vécu d'un individu et passible d'un jugement de valeur.

La vie serait donc d'une part organique et en ce sens et serait définissable comme un ensemble de deux données nécessaires et universelles et d'autre part elle constituerait l'histoire contingente de chacun. Mais cette distinction est-elle légitime ?

            En effet le vivant en tant que doué de sensibilité entretient des relations avec le milieu qui lui font éprouver sensations et émotions en fonction desquelles il va agir et réagir, à leur tour celles-ci s'expriment dans le corps sous la forme de signes et  symptômes. En outre le vivant témoigne de son intelligence du milieu qu'il s'agisse du végétal, de l'anima que l’on a tôt fait de réduire à son instinct pour l'animal et à une présence passive pour le végétal, or c''est bien plutôt d'une uni dualité qu'il s'agit comme l'a pressenti Nietzsche qui redonne sens et valeur au corps trop longtemps asservi à l'esprit.

 Par ailleurs la vie en sa force première connaît la douleur, l'agressivité, et c'est à ce prix là qu'elle perdure mais si l'on accepte pour l'animal on le condamne pour l'homme, Pourtant comme l' écrit Freud dans" Malaise dans la culture" « l'homme n'est pas cet être débonnaire au cœur assoiffé d'amour dont on dit qu'il se défend quand on l'attaque, mais un être au contraire qui doit porter au compte de ses données instinctives une bonne somme d'agressivité". Pourtant cette force ne se manifeste pas incessamment.

 lll Comment recouvrer la force de vivre ? 

 Si la question de la vie est si importante c'est parce que nous y tenons et que nous désirons la vivre la mieux possible sur le plan physique et mental or elle est sans cesse en danger et nous devons la préserver  contre  la douleur la maladie le vieillissement , la mort qui lui sont fatals et paradoxalement nécessaires car « ce qui ne me tue pas me rend plus fort ». Mais quel statut leur conférer ? Comment se comporter face à eux? Faut-il les combats? Ou s'en faire des alliés? Le corollaire de ces questions est alors de savoir ce qu'est la santé. Un état d'équilibre des énergies ? Un accroissement des forces ? Un dépassement de soi ? Une capacité à intégrer des forces réactives? A contrario qu'est ce qui fait perdre sa puissance d'agir à un individu, un peuple, à l'humanité?

On pourrait pour répondre se demander ce qui force à agir sans doute répliquerait t-on : la liberté. Mais elle  peut n'être que" l'ignorance des causes qui nous déterminent" et se réduire à celle d'un tournebroche.

            C'est donc que pour recouvrer la santé il faut d'abord diagnostiquer les causes de la maladie autrement dit faire, en termes nietzschéens, œuvre de généalogiste, puis analyser les critères en vertu desquels on les considère comme bénéfiques ou nuisibles. Un exemple banal: faut-il laisser un patient souffrir ou non ? Dans un cas la douleur est supprimée et le patient soulagé mais au détriment de l'expérience constructive que peut être la souffrance. Dans l'autre cas certes il souffrira mais en ressortira plus fort aux dires de Nietzsche fin connaisseur en la matière. Dès lors les concepts de bien et de mal demandent à être redéfinis en opérant un renversement des valeurs qui impliquent d'aller fouiller par de- la bien et le mal.

Spinoza dans l'Ethique avait défini le bien ou mal « ce qui sert ou bien nuit à la conservation de notre être ». Nietzsche ne fera pas autrement dévoilant ainsi que ce qui prétend nous sauver, métaphysique, religion, morale en fait nous perdent puisqu'elles exigent de sacrifier notre bien le plus précieux: la vie, sous prétexte de la sauvegarder. Prétendant  fournir des raisons de vivre et d'espérer elles nous tuent.

Mais qui serait habilité à nous fournir de bonnes raisons de vivre? Les autorités que Kant  nomme des" tuteurs" ; ou bien l'individu face à lui-même ?

Mais un soupçon perdure. Diagnostic et analyse suffisent-ils à rendre la force de vivre ? On a beau voir le mal cela n'empêche pas de le faire? On a beau voir ce qui nous ferait vivre cela ne détourne pas de nous en empêcher.

  lV La grande santé

              La grande santé et affirmation sans limite de l'amour de la vie, jusqu'à l'amor fati et l'éternel retour, lequel s'en révèle l'expérience cruciale. La force de vivre est telle qu’elle est volonté de l'éternel retour du même, affirme Nietzsche.

Fort de ce critère il peut s'examiner et examiner l'état de santé de l'Europe. Celle-ci connaît-elle les passions affirmatives « la fierté, la joie, la santé, l'amour des sexes, l'inimitié et la guerre, la vénération, les belles aptitudes, les bonnes manières, la volonté forte, la reconnaissance à l'égard de la terre et de la vie » ? Et est-elle susceptible de dire oui au malheur et de le transformer en épreuve et de donner un sens à la souffrance?

Question de la plus parfaite actualité dont la réponse affecte nos choix socio-politiques et nous faire préférer le refuge de fallacieux arrières mondes.

La santé n'est donc ni la survie, mais la seule résistance, ni la domination, mais l'affirmation de la vie au delà de la prudence et de la peur qui est en nous faisant craindre pour notre vie, notre confort, nos habitudes, nous fait vivre à minima, au rabais, au gagne-petit. Nietzsche en appelle à trois êtres pour le faire comprendre : le chameau porte le fardeau et résiste, le lion accroît sa puissance et domine, l'enfant la gaspille et danse de joie.

            Or la vie est gaspillage, irruption permanente de formes nouvelles qu'elle engendre dans la joie et la souffrance, dans l'agressivité aussi car « le mal est bon à quelque chose ».

La jeunesse l’illustre bien, qu' on songe à «La fureur de vivre » avec James Dean ou au film « Into the wild » la santé n' est pas  la conservation de la vie mais sa mise en péril. Les métaphysiciens nous ont appris le contraire ayant tué la vie sous promesse de bonheur.

Nietzsche a su dire oui à la douleur physique et mentale au point d'en désirer l'éternel retour.

D'autres l'avaient fait, d'autres le feront telle Etty ELLISUM qui, dans « Une vie bouleversée » alors qu'elle mourait  en camp de concentration, affirmait que la vie est belle.

            A la même époque Nietzsche découvre Emerson dont le disciple Thoreau, solitaire de Walden, parcourt les forêts américaines. Dans la marche s'origine la réflexion. Marcher c'est penser et penser c'est sentir avec son corps et l'on pourrait prêter à Nietzsche les mots de Thoreau « le droit de vivre est le droit par excellence il est tout ce qu'il y a de plus sacré sur la terre »… Vivre  ce n'est pas languir, ce n'est pas végéter à peine et se traîner tant bien que mal à grand renfort de privation et de misère depuis le berceau jusqu'à  la fosse.. Vivre c'est parcourir librement le cercle de notre existence en donnant à toutes les périodes dont elle se compose ce qui compte, convient à notre organisation tant au physiques qu'au moral ".

Cependant il y a un grand absent : autrui, posant la question de savoir s'il n'y a pas là un manque rédhibitoire à la santé.

 Nietzsche est malade et l'Europe l’est aussi et le philosophe de proposer  de soigner celle-ci avec les remèdes qu'il s'applique. C'est pourquoi il se fait éducateur du Vieux continent. Déjà il prévoit les catastrophes à venir lorsqu'il diagnostique la maladie : le nihilisme qui rend dépressif voire suicidaire.

L'Europe connaît l'angoisse, souffre de culpabilité, distille l'absurde car ses visées qui sont les nôtres : compétition, performance, productivité, développement techno scientifique, lui font croire en des idoles aux pieds d'argile qui font que malgré la mort de Dieu nous somment encore tous pieux et continuons à  sacrifier la réalité à des illusions devenues idéaux. Car malgré ou à cause du positivism nous demeuront des idéalistes producteurs, à l'instar de Platon, d'arrières mondes. Depuis plus de 20 siècles le processus est le même.

Mais la question essentielle est de savoir si nous en sommes heureux, si nous vivons bien. Contrôle social, économique, politique, spirituel, accroît-t-il ou diminue-t-il notre force de vivre ? Autrement dit le sacrifice de l'individu au collectif est-il satisfaisant ?

            On verra que Nietzsche honnit tout ce qui relève du collectif : nationalisme, démocratie, socialisme mais il n'opte pas pour autant pour l'anarchie. Sa réponse n'est pas rien politique laquelle ne l'intéresse guère, mais artiste. Nietzsche est un philosophe poète au sens étymologique du terme. Or " plus un être a le pouvoir de créer au-delà de lui-même plus il y a de vitalité" (Paul Tillich). Il faut donc se faire poète, habiter poétiquement  le monde écrira HOLDERLIN.

            La grande santé c'est l'antique vie dont Nietzsche, en tant que philologue, connaît les héros qui face au tragique de la vie optent pour des valeurs affirmatives et  ce à titre individuel. Achille, Ulysse, Jason, Médée dirent oui à la vie et donc à la mort. On rétorquera que ce sont là des êtres fictifs dont le récit a tendance à hypertrophier les actions, certes, mais le mythe donne à penser et fait sens. Du reste sont-ils vraiment uniques et solitaires ou porteurs de la culture qui les a vu naitre et dont nous sommes les héritiers? La culture n’est-elle pas ce terreau qui offre les moyens de se surpasser ensemble ? Ainsi Nietzsche tout solidaire qu'il fut ne cessa de caresser le projet de fonder une communauté de solitaires et sa correspondance témoigne de ce difficile équilibre que Schopenhauer illustra par la parabole des porcs-épics qui doivent trouver une distance salutaire pour se conserver en vie.

            La question de la santé a pour réponse l'impératif de Pindare « Deviens ce que tu es » lequel est pour le moins paradoxal car pour devenir encore faut-il savoir ce que et qui on est, or si on le devient on ne l'est pas puisqu'on se cherche. La démarche serait- elle alors  d'éliminer, comme sculpteur, toutes les couches qui recouvrent le cœur de la matière. Il s'agit d'être vrai, c'est à cette réalité que Nietzsche aspire et à laquelle il faut par-delà les conditionnements dire oui. C'est à ce prix que s'acquiert la liberté  d'agir, de penser. Et ce cheminement est nécessairement individuel sans pour autant être égoïste, au contraire, puisqu'il s'agit d'éliminer cet ego illusoire et boursouflé que l'on croit être soi.

À l'instar de Charles Juliet, Nietzsche se met à l'écoute de la voix qui parle en lui et dont il fait l'expérience cruciale à Surelei.

Mais ceci est une autre histoire que nous poursuivrons.

ANASTASIA CHOPPLET 

Conférencière et philosophe

 

 

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