Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Conférences de Solange Anastasia Chopplet
Conférences de Solange Anastasia Chopplet
Conférences de Solange Anastasia Chopplet
Pages
Archives
28 janvier 2020

LABICHE

 LABICHERésultat de recherche d'images pour "EUGENE LABICHE"                            

VIE ET ŒUVRE 1815 – 1888

De la vie de Labiche il n’y a pas beaucoup à dire. Issu d’une faille bourgeoise enrichie par le commerce du sucre, il fait des études de droit sans grande conviction avant de se lancer après un voyage « obligatoire » en Italie, dans la carrière des lettres, là encore avec une facilité et un succès déconcertants. « Je n’ai eu qu’à tirer le cordon pour entrer ».

 

 Il crée une association et c’est le début d’une série de collaborations dont naitront cent soixante seize pièces parmi lesquelles quatre, six ou huit sont de lui « Un jeune homme pressé », « Le Voyage », « Le garçon de chez Véry », « 23° à l’ombre ». Cela pourrait nous impressionner, mais il est en dessous de la moyenne de l’époque (Scribe, plus de quatre cents, Clairville plus de six cents, au total trente deux mille au XIXème siècle). La plupart sont issues de collaborations, d’emprunts, de reprises ou plagiats mais  à une époque où la sacem n’existe pas, cela ne pose pas de problème et du reste nul n’a jamais intenté de procès à Labiche qui signait de son nom ce qui était issu d’un travail collaboratif. Cependant il faut noter les deux exceptions de Becque et Brunetière.

Labiche répond par quatre arguments :

1) Il a reconnu sa dette auprès de ses collaborateurs

2) Les autres ont écrit sans lui

3) Pas de protestation

4) Phénomène banal.

 Sa méthode en cinq points s’énonce de la façon suivante :

1) Fixation du sujet

2) Plan par les collaborateurs

3) Première version par eux

4) Deuxième version par Labiche

5) Dernières modifications par lui-même, comédiens, directeurs de théâtre.

 Cette méthode ne lui a cependant pas permis d’échapper aux censures : religieuses, administratives, politiques.

 Inventeur en grande partie du Théâtre de boulevard c’est-à-dire du vaudeville, il s’essaye à tous ses avatars (farce, pochade) bien qu’il considérât le genre comme inférieur.

Ses cibles sont les bourgeois, industriels, commerçants, professions libérales, propriétaires qu’il caricature et dont il épingle les défauts sans pour autant les condamner. Il les évalue avec bonhomie, en fait un objet de divertissement sans conséquence, l’objectif n’est pas didactique ni polémique.

 

 

20180127_Le choix d'un gendre-01

Labiche n’est pas un moraliste, mais un observateur du monde tel qu’il va comme le souligne Zola :

 « Mr. Labiche arrive en brave homme, abordant les sujets humains mais avec une fantaisie qui entend rire de tout. Quand la vérité est trop triste, il lui fait exécuter une gambade, et cette gambade est irrésistible. Au fond, il ne veut pas savoir s’il y a de la boue et des crimes ; il trouve avant tout qu’il y a du rire ».

 Lui-même mène une vie rangée, richement marié, fidèle à son épouse, conservateur après un passage révolutionnaire en 1848, il se rangera, en 1871, du côté des légitimistes et condamnera la Commune.

 « J’espère que cette cruelle expérience aura pour résultat de guérir la France à tout jamais de sa tendresse stupide pour le prolétariat. A l’œuvre, nous avons vu l’ouvrier, c’est instructif… ».

Il acquiert le Château de Launoy à Sauvigny en Sologne dont il deviendra maire (1868), avec neuf cents hectares de terre qu’il exploite. Il sera père d’un fils (12 mars 1856). A soixante deux ans il décide d’arrêter sa carrière. Il est élu à l’Académie Française en 1888 malgré le refus de Victor Hugo.

 

I – L’œuvre – Les thèmes

 1) L’argent

Labiche est donc un témoin de son époque et plus exactement de la vie urbaine parisienne dont il n’hésite pas à dénoncer les travers : surpopulation, encombrements mais surtout spéculations immobilières, intérêt personnel. Dans « Moi »il fait dire à ses personnages  :

« De la Porcheraie. – Vous êtes riche, j’ai quarante mille livres de rente…Nous sommes certains que nous ne nous emprunterons jamais d’argent… donc, poignée de main !

Dutrécy. – A la bonne heure !

De la Porcheraie. – Mais, si vous partez de là pour croire que je vais sacrifier une magnifique affaire sur l’autel de l’amitié… Non, je ne suis plus votre homme… Je retire ma main ! »

  « Rue de l’homme armé » :

«  Chevillard. – Oui, je voudrais avoir des pierres qui soient à moi, des escaliers à moi, des portes, des fenêtres, des serrures.. . Oh ! ça doit être si bon de se promener sur quelque chose de solide, en se disant : C’est à moi ! c’est à moi ! ».

 « Chevillard. – oui, mais une maison !... c’est le paradis !... on paie des impôts… on est électeur, on est du jury, on figure sur les matricules… enfin on est quelque chose dans l’Etat… tandis que je ne suis rien, qu’un va-nu-pieds comme vous !

Antony. – Plaît-il ?

Chevillard. – C’est-à-dire comme Cliquet… Je peux lui dire ça, c’est mon domestique, je le paie.

Cliquet, à part. – Ils sont si bêtes, les domestiques ! ».   

 Dans « Déboires d’un propriétaire » il dénonce  le « gredin de propriétaire » qui aime à signer ses quittances (« La cigale chez les fourmis ») et qui même s’en trouve « meilleur ».

 Le thème de l’argent est majeur chez Labiche, on pourrait même dire qu’il est le pivot ou le lieu secret de toutes les intrigues et qu’il détermine les relations humaines :

- propriétaire / locataire

- mariages : qui font l’objet de négociations et où l’argent détermine avant tout « Le choix d’un gendre »

20180127_Le choix d'un gendre-04

- amitiés / inimitiés

- époux – épouse : mais aussi le choix du futur conjoint. Les différentes formes de contrat sont soigneusement examinées.

- père –enfants.

 « Ce régime, en effet, écarte toutes les méfiances, prévient les soupçons blessants… les époux mettent en commun leurs biens meubles et immeubles ; le mari, chef suprême… mais tendre, conserve seul l’administration… il peut vendre, aliéner, hypothéquer sans le concours de la femme, article 1421… Ce régime est celui de l’abandon, de la confiance mutuelle et affectueuse ». En revanche, le régime dotalest fait pour prévenir « l’incapacité dans la gestion, l’inconduite, l’infidélité du mari (…), les nuits passées dans l’orgie… hors du domicile conjugal, les mauvais traitement » ; (…) Sous ce régime, le mari, en état de suspicion… ne peut vendre ni hypothéquer, même avec le consentement de sa femme ; mais, dans certains cas, celle –ci peut se faire autoriser par le tribunal… par exemple, pour tirer son mari de prison ».

 L’on n’hésite pas à rompre un engagement pour un parti plus avantageux, ni à se pavaner, (« La poudre aux yeux »)  pour faire monter les enchères.

« Madame Ratinois, à part. – La maison est sur un grand pied ! C’est bien mieux que chez nous !

Madame Malingear. – Moi, d’abord, j’ai pour principe de m’adresser aux premiers maîtres… Ainsi, quand Emmeline a commencé la peinture…

Madame Ratinois, à Malingear. – Ah ! mademoiselle peint aussi ? ».

Résultat de recherche d'images pour "LA CAGNOTTE LABICHE"

Le luxe se veut ostentatoire mais économe voire pingre par exemple dans « La Cagnotte » où Labiche  met aussi en valeur la maladresse, voire le ridicule des provinciaux qui choisissent les plats en fonction de leur nom pompeux.

 

« Benjamin, rentrant. – L’addition demandée.

Champbourcy, prenant la carte. – Voyons… total… Comment ! cent trente-sept francs vingt-cinq centimes ?

Tous, bondissant et se levant. – Cent trente-sept francs !

Champbourcy, à Benjamen, qui apporte des bols et se tient debout derrière la table. – Qu’est-ce que c’est que ce plat-là ? Nous n’avons pas demandé ça !

Benjamin. – Ce sont des bols… de l’eau de menthe !

Colladan, énergiquement. – Nous n’en voulons pas !

Cordenbois. – Remportez ça !

Benjamin. – Mais ça ne se paye pas !

Tous, exaspérés. – Remportez ça !

Champbourcy. – Cent trente-sept francs ! Vous vous êtes dit : « Ce  sont des provinciaux, mais il faut les plumer ! »

Benjamin. – Mais, Monsieur…

Colladan. – Nous sommes aussi malins que toi, mon petit.

Cordenbois. – D’ailleurs, les prix sont sur la carte.

Champbourcy. – Donnez-moi la carte !

Benjamin, la prenant sur une table et la remettant à Champbourcy. – Voilà, Monsieur.

Champbourcy, regardant. – J’en étais sûr… Melon, un franc la tranche.

Colladan. – Pourquoi que vous portez dix francs ! Vous êtes un malfaiteur !

Benjamin. – Il y a dix francs, Monsieur… C’est le cadre qui cache le zéro.

Tous, regardant. – Oh !

Léonida. – Nous sommes volés !

Colladan, prenant la carte. – Tous les zéros sont cachés !

Champbourcy. – Mais nous ne payerons pas… Où est le patron ?

Benjamin. – Dans le salon à côté… Si ces Messieurs veulent venir s’expliquer…

Champbourcy. – Allons-y !

Tous. – Allons-y ! »

 Labiche fait donc un état des conditions et de l’esprit du capitalisme naissant fondé sur les mariages d’intérêt, la spéculation et l’absence de sentiments, comme en témoignent les relations entre maîtres et domestiques. Avec le capitalisme, les classes sociales apparaissent et se figent à la manière de castes. Dans « La rue de l’homme armé », un personnage se plait à répéter : « ils sont si bêtes les domestiques », bêtes, illettrés et donc passibles de tous les traitements injustes, des salaires les plus bas, d’emplois précaires. Cependant ils doivent avoir une morale irréprochable (à la différence de leurs maîtres). On n’hésite pas à les insulter, les mépriser (« Le choix d’un gendre ») d’autant qu’on les paie et qu’on en est donc propriétaire.

Mais leur statut est ambigu car ils entendent tout (« Le garçon de chez Véry »)  et pourraient s’avérer des maîtres chanteurs. Dans « L’affaire de la rue Lourcine », on envisage même d’assassiner Justin le domestique.

 Rares sont les cas où le domestique s’ingère dans la vie de son maître. Néanmoins, dans « La Sensitive »  le domestique tente de dissuader son maître de se marier et intrigue pour ce faire. Mais ne nous y trompons pas, le domestique est un objet utile dont Labiche fait un topos.

 

2) La mauvaise foi

Le second thème de prédilection de Labiche est la mauvaise foi qui accompagne ou qu’accompagne l’amour propre dévoué à un égocentrisme exacerbé.20180127_Le choix d'un gendre-03

L’exemple type est incarné par Perrichon qui n’est pas guidé dans « Le choix d’un gendre »

par l’argent, mais par la fierté d’avoir, croit-il, sauvé un jeune homme qui dès lors ne tarit pas d’admiration à son égard. « Le voyage de Monsieur Perrichon » :

 

« Perrichon. – Un évènement affreux ! (S’interrompant.). Faites-le boire, frottez-lui les tempes !

Daniel. – Merci… Je me sens mieux.

Armand. – Qu’est-il arrivé ?

Daniel. – Sans le courage de monsieur Perrichon…

Perrichon, vivement. – Non, pas vous ! ne parlez pas !... (Racontant) C’est horrible !... Nous étions sur la mer de Glace… Le mont Blanc nous regardait, tranquille et majestueux…

Daniel, à part. – Le récit de Théramène !

Madame Perrichon. – Mais dépêche-toi donc !

Henriette. – Mon père !

Perrichon. – Un instant, que diable ! Depuis cinq minutes, nous suivions, tout pensifs, un sentier abrupt qui serpentait entre deux crevasses… de glace ! Je marchais le premier.

Madame Perrichon. – Quelle imprudence !

Perrichon. – Tout à coup, j’entends derrière moi comme un éboulement ; je me retourne : monsieur venait de disparaître dans un de ces abîmes sans fond dont la vue seule fait frissonner…

Madame Perrichon impatientée. – Mon ami…

Perrichon. – Alors, n’écoutant que mon courage, moi, père de famille, je m’élance…

Madame Perrichon et Henriette. – Ciel !

Perrichon. – Sur le bord du précipice, je lui tends mon bâton ferré… Il s’y cramponne. Je tire… nous tirons, et, après une lutte insensée, je l’arrache au néant et je le ramène à la face du soleil, notre père à tous !... »

 Résultat de recherche d'images pour "VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON"

Monsieur Perrichon a besoin de débiteurs mais refuse par ailleurs d’en être un. En fait il est lui-même la dupe des deux prétendants de sa fille sans que celle-ci n’ait  rien à dire. C’est du reste le rôle des filles qui n’ont qu’à baisser les yeux en signe d’acquiescement (« Chapeau de paille d’Italie »).

L’amour propre nourrit l’autorité du père, despote tout puissant régnant sur la gente féminine. Cependant l’épouse peut avoir le verbe haut et rabattre sérieusement la fierté mal placée de son époux (« Voyage de Monsieur Perrichon »).

L’amour propre renvoie en définitive aux thèmes pascaliens de la vanité et du divertissement. Du reste les personnages ne vivent, faute de mieux et nécessairement, que de qualités d’emprunt, qui n’existent qu’en vertu du regard admiratif qu’on porte sur eux. C’est pourquoi les personnages sont des baudruches inconsistantes qui s’agitent sans arrêt pour n’aboutir qu’à leur point de départ (« Chapeau de paille d’Italie »).

Le théâtre dès lors est réduit à n’être qu’un joyeux et momentané divertissement  dont la seule qualité est de faire rire.

 S’il reste une philosophie de Labiche, elle est toute là, dans cette anthropologie moins critique que stoïque.

Supporte, abstiens-toi et ris de cette ombre d’un rêve qu’est l’homme. Labiche s’inscrirait-il dans la veine des moralistes du XVIIème siècle ?

  

Résultat de recherche d'images pour "IMAGE BERGSON"                                            BERGSON - LE RIRE

 

Afin d’approfondir les caractéristiques du rire chez Labiche, nous nous proposons de présenter lesanalyses de Bergson à ce propos dan son ouvrage « Le Rire ».

I – Comique des formes

 1) - Le rire est humain. On ne rit que des hommes

- Le rire requiert l’indifférence, le détachement. Il s’adresse à l’intelligence pure

-Le rire se pratique en société. D’où privilège du théâtre. C’est le rire d’un groupe qui requiert la complexité et fait ciment social. On rit ensemble mais aux dépends de.

 «Le comique naîtra quand des hommes réunis en groupe dirigeront tous leur attention sur l’un d’entre eux, faisant taire leur sensibilité et exerçant leur seule intelligence ».

 2) Le comique nait par ailleurs d’une inadaptation à la situation (dire, penser, faire, ce qui ne convient pas à la réalité présente) liée à une idée fixe (→ dialogue de sourd où chacun poursuit une idée avec des réponses inadaptées aux questions). C’est l’effet que provoquent les stéréotypes, les clichés et expressions figées.

 3) Or ceci rejoint le ferment même du rire qui est l’automatisme, « Le comique c’est du mécanique plaqué sur du vivant », mais dont le personnage comique n’a pas conscience (Charlie Chaplin). Tandis que la vie exige la tension et l’élasticité le ressort comique  consiste donc à caricaturer le manque d’élasticité lié aux habitudes contractées (verbales, philosophiques, morales, physiques) qui provoquent la raideur.

« Cette raideur est le comique et le rire en est le châtiment ».

 En conséquence, en ce qui concerne le comique de gestes et mouvements, Bergson émet la loi suivante

« Les attitudes, gestes et mouvements du corps humain sont risibles dans l’exacte mesure où ce corps nous fait penser à une simple mécanique ».

C’est pourquoi le recours à l’imitation (paroles, gestes, symétrie des rôles, développent géométrique de quiproquos) est un ressort privilégié du rire.

 Bergson définit du reste le vaudeville comme « présentant une articulation visiblement mécanique d’évènements humains tout en leur conservant l’aspect extérieur de la vraisemblance, c’est- à –dire souplesse apparente de la vie ».

 Sans doute est-ce la raison pour laquelle Labiche choisit le bourgeois non pas tant pour le fustiger mais comme topos comique par excellence.

 4) Bergson dégage aussi l’idée de la substitution de la règlementation humaine à celle de la nature qui est dérèglementée. Celle-ci a,  face à celle-là, tort. La vie doit être administrativement réglée quitte à être absurde. Ce qui définit le pédantisme comme la prétention à en remontrer.

 5) Afin d’illustrer une autre cause du comique qui est d’attirer l’attention sur le corps alors que l’âme est en jeu, Bergson fait référence à Labiche («Chapeau de paille d’Italie »). Le père qui se plaint de ses souliers alors que l’enjeu est le mariage de sa fille. L’évocation du corps génère souvent le rire.

Image associée

Bergson évoque le comique de répétition d’un mot, équivalent à l’image du ressort (« La rue de l’homme armé »).

Il y a généralement explique-t-il,  deux termes en présence, un sentiment comprimé qui se détend comme un ressort et une idée qui s’amuse à comprimer de nouveau le sentiment (Dorine reprend le récit sans tenir compte de la question d’Oronte dans le « Bourgeois Gentilhomme ». Prenez le mot,  épaississez la scène jouée, cherchez ensuite la catégorie comique à laquelle cette scène appartient en droit.

 Pour qu’un mot d’esprit ait donc un effet comique, plusieurs moyens sont requis : formules stéréotypées prononcées automatiquement.

« On obtiendra un mot comique en insérant une idée absurde dans un moule de phrases consacrées ».

 Par exemple :

« Il n’y a que Dieu qui ait le droit de tuer son semblable. Dieu dispose de la vie des hommes. Il ne faut pas tuer son semblable ».

 Tout mot présente un sens propre et figuré.

« On obtient un effet comique quand on affecte d’entendre au sens propre une formule employée au sens figuré ».

Exemple : « Tous les arts sont frères » (sens figuré).

 De même le mot d’esprit devient comique par répétition, inversion et interférence.

 « On obtiendra un effet comique en transposant l’expression naturelle d’une idée dans un autre ton ».

Exemple : transposition du solennel en ton familier, parodique, hyperbolique.

                  transposition de bas en haut – du pire au meilleur – du réel à l’idéal.

 On a le même effet lorsqu’un personnage se dédouble et répète une assertion  que sa moitié désapprouve. C’est l’effet du pantin à ficelles qui croit agir librement alors qu’il n’est qu’une marionnette aux mains d’un autre.

On a aussi l’effet de la boule de neige : l’effet en chaine qui s’accélère. ( « Chapeau de paille d’Italie » : cavalcade chaotique de la noce). L’effet va se propageant en s’ajoutant à lui-même. De sorte que d’une cause insignifiante sort un effet disproportionné.  La montagne accouche d’une souris. Au mouvement rectiligne s’ajoute un mouvement circulaire  ramenant à la situation initiale (le chapeau étant dans la dot).

Exemple : Chapeau mangé par un cheval

                  Un exemplaire à Paris

                  Le personnage principal court après le chapeau,  la noce court après lui

                  Retour sur la scène initiale.

 Autre exemple dans « La cagnotte » : un vieux garçon et une fille qui sont amis, sont inscrits à la  même agence matrimoniale, et ont rendez-vous avec un quidam qui se révèle être eux-mêmes.

 Ce sont de grands effets pour un résultat nul. Kant « Le rire vient d’une attente qui se résout subitement en rien ».  

Petite cause – grands effets dans la mesure où cela se manifeste par un arrangement mécanique.

 Donc trois procédés essentiels président au comique :

1) répétition

2) inversion

3) interférence des séries.

 1) Répétition ; de mots : situations provoquant des coïncidences extraordinaires.

Exemple : faire se promener un groupe d’acte en acte dans des milieux divers. On a un thème et ses variations. Symétries,  correspondances mais aussi décalages provoquent un effet  absurde mais vraisemblable.

 2) Inversion 

Dans « Le Voyage de Monsieur Perrichon » on a deux scènes symétriques de sauvetage mais avec inversion du rôle de Perrichon.

 3) « Une série est toujours comique quand elle appartient en même temps à deux séries d’évènements absolument indépendants et qu’elle peut s’interpréter en deux sens absolument différents ». Cf. « Le garçon de chez Véry » : cherche son père et le voit dans son maître tandis que celui-ci pense que le garçon est un maître chanteur.

Le quiproquo consiste en la superposition de deux jugements qui se contredisent.

 III – Comique de caractère

 Le caractère se définit comme  ce qu’il y a de tout fait dans la personne à l’état de mécanisme.

Le comique exprime toujours une certaine inadaptation de la personne à la société. Le rire a une dimension  sociale. Cependant le comique (incompatible avec l’émotion car il s’adresse à l’intelligence pure) exige une indifférence à autrui qui cesse de nous émouvoir. Or le rire nous rappelle à la réalité assumant des fonctions corrective et intégrative. Le rire s’avère une espèce de brimade sociale.

 Les éléments du caractère comique sont les mêmes que dans la vie  dont les défauts sont fustigés dans leur caractère.

 Pour entretenir le rire l’accent est mis sur les gestes (attitudes, mots), les actes (sans buts, automatiques) et sur les actions (voulues consenties).

 Trois conditions président donc au comique : insociabilité du personnage (mais en même temps il faut pouvoir se reconnaitre en lui, non pas en tant qu’individu mais en tant que porteur d’une universalité)  – insensibilité du spectateur – automatisme.

 Pour Bergson  la vanité cristallise les ingrédients du rire. Elle se définit comme l’admiration de soi que l’on croit fondée sur l’adoration des autres.

 « Voyons maintenant, d’après ce qui précède, comment on devra s’y prendre pour créer une disposition de caractère idéalement comique, comique en elle-même, comique dans ses origines, comique dans toutes ses manifestations. Il la faudra profonde, pour fournir à la comédie un aliment durable, superficielle cependant, pour rester dans le ton de la comédie, invisible à celui qui la possède puisque le comique est inconscient, visible au reste du monde pour qu’elle provoque un rire universel, pleine d’indulgence pour elle-même afin qu’elle s’étale sans scrupule, gênant pour les autres afin qu’ils la répriment sans pitié, corrigible immédiatement, pur qu’il n’ait pas été inutile d’en rire, sûre de renaître sous de nouveaux aspects, pour que le rire trouve à travailler toujours, inséparable de la vie sociale quoique insupportable à la société, capable enfin, pour prendre la plus grande variété de formes imaginable, de s’additionner à tous les vices et même à quelques vertus ».

 En fait la vanité est le refus de faire face à sa misère intérieure. Elle génère un état de dépendance au regard que les autres portent sur soi et un aveuglement quant à ce qu’on est. Le bourgeois l’incarne par excellence, lui qui multiplie les moyens d’en mettre plein les yeux, de se hausser au dessus de son origine. («La poudre aux yeux »).

 En ce sens le rire fait prendre conscience de cet état et invite à le corriger (Cf. Fin Poudre). Il en est le remède, l’antidote, tout comme la bonhomie dont peut faire preuve le rieur.

La vanité s’accoquine avec l’amour propre qui est seulement un amour exagéré et inapproprié que l’on se porte et qui génère le mépris d’autrui. Issue de la vie sociale la vanité en gère le fonctionnement.

C’est pourquoi elle confine à la logique de l’absurde qui consiste à suivre son idée, au lieu de faire preuve de bon sens, c’est-à-dire d’adaptation à la situation, d’attention à la vie.

L’absurde contrefait la logique, multiplie les paralogismes, contredit la réalité. L’absurde c’est la logique de la passion, du désir, qui veut plier le réel à ses objectifs.

 Faut-il rire ? Sans doute et le plus souvent possible, préconisait Rabelais car le rire est un mouvement de détente à l’instar du rêve, de sorte qu’il nous repose de la tension que requiert la vie il nous en distrait, nous en divertit et ainsi endort les peines comme un  bon vin. A titre personnel, nous pensons que l’objet de la comédie est la mort comme l’indique son origine. C’est pourquoi le rire est défense contre la mort mais aussi renaissance, donc vie. Le rire de Gargantua à la naissance de Pantagruel est triomphe de la vie sur la mort de sa femme.

Mais faut-il pour autant rire de tout ? C’est une autre histoire…

Résultat de recherche d'images pour "gargantua RIANT" 

ANASTASIA SOLANGE CHOPPLET

Conférencière et Philosophe                           

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 50 937
Publicité