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Conférences de Solange Anastasia Chopplet
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15 décembre 2019

AUX RACINES DE L’HUMANISME

AUX RACINES DE L’HUMANISME

 

1er partie                                                           

PERIODE ANTIQUE

 

1) Introduction  Résultat de recherche d'images pour "raphael l ecole d'athene"

 A l’origine mon intérêt pour ce sujet vient d’un étonnement à l’écoute d’un collègue le critiquant vertement et dénonçant les conséquences désastreuses de l’humanisme. Puis ce furent les critiques acerbes de Simone Weil à propos d’un XVIIIème siècle qui, au nom de la toute puissante raison, avait exclu toute possibilité d’une civilisation chrétienne.

D’un autre côté je ne pouvais m’empêcher d’admirer les pères fondateurs du XVIème siècle tout en m’étonnant qu’il n’y en eut pas auparavant. La philosophie grecque avait –elle ignoré l’homme ? Cette assignation n’était-elle qu’une convention historico-littéraire ?

Par ailleurs comment accuser l’humanisme d’exactions commises en son nom alors qu’Erasme, les poètes de la Pléiade, Montaigne, Agrippa d’Aubigné œuvraient à une République des Lettres dans une Europe pacifiée ?

Enfin se posait la question de la pérennité de l’humanisme devenu un signifiant si insignifiant que l’on douterait de la réalité de son référent,  le sujet,  dont la mort  fut annoncée (coïncidence) peu après celle de Dieu. Dans un monde dès lors désenchanté :

a)      faut-il désespérer de l’homme ?

b)      espérer malgré tout ?

c)       repenser l’humanisme au nom d’un nouvel humanisme ?

On l’aura compris l’humanisme se trouve au carrefour d’une ramification de questions qui se résument à : peut-on encore croire en l’homme et préserver une humanité toujours menacée ?

Face à cela les penseurs définissent l’humanisme comme le fait de penser qu’en deçà des différences culturelles les hommes partagent des valeurs qui constituent leur humanité à partir de laquelle un monde humain est possible. Mais une telle idée ne va pas de soi et connait une histoire à reconstituer.

Comment en effet l’humanisme s’est-il élaboré au cours de l’histoire occidentale ? Quelles sont les différentes formes qu’il a revêtues ? Peut-on parler à bon droit de l’humanisme, ou s’agit-il plutôt des humanismes ? Quelle origine lui assigner : La nature humaine douée de qualités intrinsèques issues d’un Dieu créateur, ou bien la condition humaine affrontant l’homme d’une part à ses propres inventions et d’autre part à ce qui le passe infiniment et lui rappelle sa finitude ?

De quels moyens disposons-nous pour accéder à notre humanité ? Le retour aux sources de l’antiquité gréco-latine ? Le développement des sciences ? L’exploration ethnologique ? L’appareil juridique ? Les réseaux sociaux dont on peut se demander s’ils visent à promouvoir des valeurs communes ou à creuser des fossés ? Les associations ?

Quelle vigilance exercer à l’égard de tous les succédanés ou pastiches de l’humanisme qui en font un objet de manipulation idéologique au service d’intérêts particuliers et tyranniques ? Le mot lui-même ne tend-il pas à disparaître au profit de celui d’humanitaire ? Et l’idée elle-même n’est-elle pas supplantée par celle de transhumanisme ?

Voila quelques unes des questions que nous nous proposons d’aborder, mais avant cela des précisions lexicales s’imposent.

2) Précisions lexicales

a) Quand on compulse le Vocabulaire européen des philosophies on peut lire au mot allemand Menschheit : humanitât, humanité, sentiment d’humanité : « L’appartenance au genre humain le fait d’être un homme et de faire partie de l’humanité n’implique pas qu’on fasse preuve d’humanité… ». Dès lors il faut distinguer entre la qualité d’être humain et la vertu d’humanité. On ne nait donc pas homme mais on le devient et Levi Strauss le confirme dans ses observations ethnologiques. Déjà dans l’humanisme latin Cicéron « dénote une disposition de fraternité fondée sur le sentiment d’appartenance à un même espace d’où découlent des devoirs à l’égard de soi-même et d’autrui, qui distingue l’homme  de l’animal et de(s) dieu(x) ». Ce que résume la définition de l’Encyclopédie Larousse (Vol 10.1974) où on peut lire que l’humanisme est :

               - l’ensemble des tendances intellectuelles et philosophiques qui ont pour objet le développement des qualités essentielles de l’homme

               - le terme humanisme s’étend à tout effort de l’esprit humain qui affirmant sa foi dans l’éminente dignité de l’homme, dans son incomparable valeur et dans l’étendue de ses capacités, vise à assurer la pleine réalisation de la personne humaine.

 

b) Au moyen-âge, le terme umanista désignait le professeur de grammaire (cf. Alcuin ;  Ecole de Padoue) manifestant de l’intérêt pour les lettres.

En 1539 il concerne l’enseignant, érudit, permettant d’acquérir son humanistas. On fait ses humanités.

Au XVIIIème siècle la philosophie s’empare du terme pour souligner la dignité de l’homme et le respect qui lui est dû.

Enfin en 1859, apparaît le terme « humanisme » qui désigne rétrospectivement le courant des humanistes du XVIème siècle ayant redécouvert les lettres antiques et manifestant l’amour de l’humanité et la confiance en l’homme. L’étude des lettres est alors considérée comme ce qui rend vertueux.

On voit ainsi que la notion présente plusieurs dimensions, celle d’une science, d’une éthique, d’une question philosophique visant la possibilité d’un monde humain. L’humanisme est donc à la fois un savoir, une façon d’être et une question.

 

3) Avant d’entamer notre parcours historique il nous faut poser une question liminaire : qui est l’homme pour qui se pose la question de l’homme en tant qu’autre que lui-même et autre lui-même ?

C’est tout d’abord : un être doué de conscience réflexive qui se pose la question socratique de savoir qui il est et pour qui toute réponse est toujours insuffisante

                                   : un être pour lequel l’autre fait problème. L’« alien»  l’étrange et l’étranger qui éveille méfiance mais aussi compassion au point de s’en penser responsable et de me demander ce que j’ai fait de mon frère. Mais l’autre c’est aussi le barbaros, l’égal en indignité, le loup, mon enfer, avec qui cependant je dois faire société car il en va de mon être dans son être, de ma pensée, de mon équilibre mental.

                                  : un être au monde, conscient de sa fragilité, de sa vulnérabilité, de sa mort à laquelle il tente de conférer un sens pour en faire une force dans un processus de résilience qui est toujours épreuve de mort. Par là il s’affirme comme un être libre car c’est dans le risque de mort que s’éprouve la liberté

                                   : c’est pourquoi il est susceptible de mourir pour des valeurs témoignant ainsi d’un désintéressement à l’égard de son égo et paradoxalement de la vie pour laquelle il peut vouloir mourir, mourant ainsi pour l’autre

                                   : quoique de la terre où il est jeté l’homme se caractérise par une aspiration au dépassement qu’il s’agisse de son arrachement à la nature par la culture ; à sa propre nature par l’éducation : à l’irrationnel du silence des espaces infinis, de son origine et de sa fin. Face aux questions : pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Pourquoi ceci plutôt qu’autre chose ? L’homme se met au  défi de com-prendre, de donner du sens ou d’accéder au sens de sa vie y compris après la mort.

                                      : c’est un être pour qui se pose la question du divin. Que nous dit l’universalité de la croyance au transcendant sur l’homme ? Qu’il est :

  - un homo religiosus selon Mircea Eliade

 -  que son angoisse génère des êtres  fantastiques

 - que son « sentiment d’infériorité »  engendre des puissances

 - que son attachement au père peut  s’hypertrophier et l’infantiliser.

 Quoiqu’il en soit le divin est un défi pour l’humanisme, même s’il est chrétien, face auquel il affirme que l’homme est la mesure de toute chose. Mais peut-il l’être de ce qui précisément le passe infiniment ? L’est-il de tout excepté de lui-même ?  Quelle est la mesure de la mesure, si ce n’est un autre que l’homme ? A moins que l’homme ne soit la mesure de Dieu ou que la mesure de l’homme soit l’autre homme, celui à advenir en lui.

 

L’ensemble de ces présupposés témoignent que l’homme cherche à se définir à la fois comme personne ; comme un être doué de raison ; comme un sujet de droits ; comme un être vivant en société et avant tout comme celui pour qui il en va de son être dans un autre être. Mais comment, dans ces conditions, l’humanisme a-t-il pu être barbare ? L’histoire de l’Occident est-elle en définitive un anti-humanisme ?

 

I  - L’antiquité fut-elle humaniste ?

 

1) Les philosophes Résultat de recherche d'images pour "socrate"

La réponse dépend de la définition donnée à l’Humanisme et par conséquent des modalités de sa construction. Or si l’on retient la Renaissance européenne, ses combats et valeurs trouvant leur expression juridique au XVIIIème siècle, alors il serait anachronique de l’employer pour l’antiquité. Si on admet que chaque culture a apporté sa contribution à l’édifice alors il convient de rechercher celle de l’antiquité dans le dédale de ses catégories et de pratiques (in)compabibles avec une certaine idée de l’humanisme.

Disons d’emblée que le monde antique, nous nous en tiendrons à la Grèce et à l’Empire romain, repose sur l’esclavage qui présuppose une partition entre l’homme au plein sens du terme, libre citoyen doué de raison, s’adonnant à la pensée… et l’autre, esclave, barbare, Xenos, en vertu de l’opposition Culture et Nature. Et du reste la démocratie grecque est à entendre sur fonds de cette dichotomie. Elle n’est jamais le gouvernement de tous (enfants, femmes, étrangers, fous, séniles, repris de justice, nomades, métèques) mais de ceux dignes d’y participer.

 

Ni Platon, ni Aristote ne remettent en question ces partitions et Aristote dans « Les Politiques » de justifier l’esclavage, quoique là aussi ce serait une erreur de l’identifier à celui de la traite des noirs. Epictète en fut un et Platon se fit racheter par ses amis sur un marché d’esclaves. Par contre tous affirment que l’homme passe infiniment l’homme et si Protagoras donne l’homme pour mesure de toute chose, Platon lui rétorque que Dieu est la seule mesure qui mette l’homme au défi. Aristote quant à lui initie le modèle de la mégalopsyché la grandeur d’âme, que se doit de viser l’homme, idéal héroïque s’il en est.

 L’homme est donc une exception dans la nature, mais il aurait oublié sa nature profonde, divine, dont subsiste une trace, le logos.

 Il s’agit pour l’homme d’advenir à lui-même, d’émerger de la Caverne de son ignorance pour parvenir à la lumière de la vérité selon une dialectique ascendante que met en scène le « Banquet » et qu’illustre l’Allégorie de la Caverne. Cette démarche ascensionnelle requiert plusieurs conditions dont la première (et récurrente) est l’aveu de sa propre ignorance que pratique Socrate.

 S’agit-il là d’une coquetterie de sa part, d’un orgueil d’autant plus pernicieux qu’il se cache sous le voile de la modestie, ou bien du constat de ce qu’est l’homme : ignorant, imparfait, vulnérable, intempérant.

 La voie est ouverte, le voyage commence, celui de l’homme en quête de lui-même. Pour ce faire des exercices spirituels sont préconisés dont s’inspireront du reste les chrétiens. On les lit en filigrane chez Platon à propos de Socrate : méditation immobile, résistance aux intempéries, exercices physiques, détachement des biens et maux ne touchant que l’égo, méditation sur la mort (celle –ci n’est rien pour vous (Epicure) / Platon : « philosopher c’est apprendre à mourir ») ; l’examen de conscience, l’aveu de ses fautes, la limitation des désirs. La philosophie revêt une fonction thérapeutique. La philosophie consiste à « ajouter à la situation un discours intérieur » sous la forme de maximes que l’on se répète ou à pratiquer des dialogues où l’interlocuteur opère une conversion intérieure, se familiarise avec le sujet et le fait sien, doute de ses certitudes en pratiquant l’ascèse que requièrent l’attention, l’écoute, la prise de parole convenue, la critique sous l’égide du logos. Le dia-logue est un exercice spirituel destiné à dépasser le sensible vers l’intelligible*(voir annexe A).

 La philosophie n’est donc pas tant un système qu’une méthode pour s’orienter dans la vie id est pour apprendre la vertu, pour se former à être un homme. Dans cette mesure on peut parler d’une préoccupation humaniste des philosophes refusant que l’homme soit la (piètre) mesure de toute chose engendrant un relativisme généralisé ; la perte des valeurs et de la vérité. Mais faut-il chercher l’humanité de l’homme au-dessus de la vie réelle ou dans la façon de l’assumer ?

 Cependant dès lors que l’idéal veut s’incarner il risque de se transformer en totalitarisme, il n’est que de voir l’organisation toute militaire de Callipolis dans la « République » de Platon, comme celle coercitive de « l’Utopia » de Thomas More ou même celle de « Christina » et des idéologies du XXème siècle. L’enfer est pavé de bonnes intentions.

 Plus tard Nietzsche pointera le vice rédhibitoire de l idéalisme : c’est par peur d’être soi par refus d’assumer sa condition d’être au monde, sa misère, ses faiblesses, que l’homme en vient à se nier et à substituer un hypothétique monde intelligible au monde sensible. « Platon est lâche devant la réalité alors il se réfugie dans l’idéal » (Nietzsche « Crépuscule des idoles »). A quoi Nietzche  oppose le « surhomme » (ce qui ne va pas non plus sans problèmes ni mésinterprétations à caractère fasciste et antisémite) qui vise l’au-delà du trop humain.

 

2) L’art et l’art de vivre

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De son côté l’art grec n’est pas en reste comme en témoignent les Kouroi, non pas figurations de quelque athlète mais récipiendaires des dieux incarnant ce que Hegel nomma le miracle grec,  équilibre de la matière et de l’esprit dans un corps spirituel, modèle du kalos agathos.

 Le théâtre  sous la diversité de ses genres, tragédie, comédie, dithyrambe, s’interroge sur ce qu’est l’homme et ce qu’il doit devenir sous le regard des dieux dont le monde est plein. Issues des cérémonies religieuses, la tragédie ( tragos odos chant du bouc), comme la comédie ( comos odos) mais on pourrait en dire autant de l’Iliade et l’Odyssée (Ulysse se choisit homme) présente l’homme aux prises avec lui-même, avec le monde, avec les dieux qui ne cessent de lui assigner une place à laquelle il ne peut se résoudre tout en se sachant vaincu d’avance. Certes la condition humaine est tragique et l’homme peut se révéler un monstre inhumain, mais l’homme peut la sublimer par l’art et par l’art s’en purifier. Quelle vie est-elle digne d’être menée ? Qu’est ce qu’une vie bienheureuse ? En l’homme coïncident les contraires : misère et grandeur, démesure et mesure ; mais il peut changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde.

Les réponses créent la couleur et l’atmosphère de l’époque. Si au temps de Périclès on exaltait l’arete du guerrier (force, courage, devoir, patrie), la fin de la grandeur d’Athènes verra fleurir de plus modestes intentions. Le jardin d’Epicure réunira une communauté d’amis, satisfaisant des désirs accessibles, prenant du plaisir sans excès, s’éloignant de la vie politique pour  être heureux par temps de malheur. Le souci de soi prendra le pas sur celui de la patrie morte et enterrée. Les dieux ne se souviennent plus des hommes et l’immortalité de l’âme ne doit plus être un souci. Pyrrhon le sceptique ne dira pas autre chose si le doute quant à l’existence de la vérité procure à l’âme l’ataraxie, à quoi bon chercher ce qui n’existe pas ?

Sans doute Socrate avait-il initié le mouvement, lui qui déambulait à Athènes pour dialoguer avec ses contemporains et sans cesse les  ramener au souci de leur âme plutôt qu’à celui des richesses et des fugaces ambitions. A l’esclave, à l’enfant, à la femme, à l’ami et à l’adversaire aussi, il répétait « Connais-toi toi-même » pour qu’il entreprît à son exemple la quête qui l’avait amené à constater qu’il ne savait qu’une chose, c’était ne rien savoir. Docte ignorance dont se rappellera le Cusain (Nicolas de Cues). Etonnement initial mettant sur la voie de soi, sur la voie de la philosophie. L’individu devient une énigme pour lui-même comme le lui rappelle le Sphinx qu’affronte Oedipe. Une seconde naissance s’annonce, la seule véritable.

 

A ces conditions on peut espérer être heureux, et c’est là la finalité de l’homme, aussi bien qu’un droit, voire un devoir en tout cas une tâche qu’on ne peut laisser au hasard (bon-heur). Cependant les réponses divergent  pour les uns il s’agit de rechercher le plaisir (éphémère, contingent, insatisfait) peu compatible avec le bonheur, on parlera d’un humanisme de la modération. Pour les autres il s’obtiendra à condition de changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde, de supporter les maux, sans qu’ils touchent la forteresse intérieure : « Si tu embrasses ton enfant ou ta femme, dis toi que c’est un être humain que tu embrasses, car s’il meurt tu n’en seras pas troublé » conseille Epictète. L’impassibilité est-elle le signe de la sagesse ou de l’indifférence ? Les bourreaux aussi le sont.

Pour le stoïcien, puisque c’est de lui qu’il s’agit, les maux sont des adiophora, des indifférents, dont l’effet sur nous ne tient qu’à nos représentations, or celles-ci sont en notre pouvoir on peut donc les changer. Il s’agit d’un humanisme héroïque.

La quête du bonheur se confond avec celle de la sagesse. Le sage est celui qui sait jouir de l’existence avec modération, pourtant c’est à la passion que l’on sacrifie mais en est-on plus heureux, et le bonheur d’exister est-il si aisé à éprouver ? Ne requiert-il pas un exercice continu : celui du lâcher prise qui permet la pré-sence en lieu du divertissement.

Outre l’art et la philosophie, l’exercice de la politique contribue à l’émergence de la communauté humaine.

La vie en société est la matrice de l’humanisme. On s’y cotoie, on dialogue, on s’y éprouve, on y apprend le consensus, on supporte la critique, on y est responsable, on s’y cultive mais en Grèce antique on n’y travaille pas, car l’oisiveté est nécessaire aux soins de l’esprit et de la chose politique. Le travail salarié ou producteur de biens matériels est un objet de mépris car il satisfait l’épitumia auquel d’individu est aliéné. C’est ainsi que l’esclavage se trouve justifié par Aristote.

 

« Le même rapport se retrouve entre l’homme et les autres animaux. D’une part les animaux domestiques sont d’une nature meilleure que les animaux sauvages, d’autre part, le meilleur pour tous est d’être gouvernés par l’homme car ils y trouvent leur sauvegarde. De même, le rapport entre mâle et femelle est par nature un rapport entre plus fort et plus faible, c’est-à-dire entre commandant et commandé. Il en est nécessairement de même chez tous les hommes. Ceux qui sont aussi éloignés des hommes libres que le corps l’est de l’âme, ou la bête de l’homme (et sont ainsi faits ceux dont l’activité consiste à se servir de leur corps, et dont c’est le meilleur parti qu’on puisse tirer), ceux-là sont par nature de esclaves ; et pour eux, être commandés par un maître est une bonne chose, si ce que nous avons dit plus haut est vrai. Est en effet esclave par nature celui qui est destiné à être à un autre (et c’est pourquoi il est à un autre) et qui n’a la raison en partage que dans la mesure où il la perçoit chez les autres mais ne la possède pas lui-même. Quant aux autres animaux, ils ne perçoivent même pas la raison, mais sont asservis à leurs impressions. Mais dans l’utilisation, il y  a peu de différences ; l’aide physique en vue d’accomplir les tâches nécessaires, on la demande aux deux, esclaves et animaux domestiques ». (1)

 

Force est donc de constater que si l’antiquité a contribué à l’émergence d’une conscience humaine portant la trace d’une étincelle divine, on est encore loin de penser que l’individu est une valeur en soi, et que l’humanité constitue une unité. L’autre demeure un étranger.

 

II - Monothéisme et humanisme Résultat de recherche d'images pour "moise"

 

Les trois monothéismes « officiels » sont nés de révoltes contre des conditions de vie insupportables, esclavage, déportations, guerres… c’est-à-dire de mouvements visant à affirmer et sauvegarder la liberté et la dignité de la personne.

Mais d’autre part les religions qui supposent voire exigent l’obéissance à un être divin dont tout croyant attend le salut et la vérité sont-elles compatibles avec les principes de l’humanisme ? Certes les théologiens du XIIème conjuguèrent religion et philosophie. Ibn Tufayl, Avicenne, Averroès, Maïmonide, Saint-Thomas qui empruntèrent à la philosophie des concepts et méthodes de pensée permettant de répondre aux exigences de la raison tout en étant au service de la foi.

 Mais une telle position ne va pas sans poser de problèmes car la toute puissance divine force sa créature à l’obéissance et à la confiance dans les vérités révélées ce qui s’avère incompatible avec la définition cartésienne de l’homme comme individu doué de raison et de libre arbitre susceptible de se rendre comme maître et possesseur de la nature.

 L’humanisme peut inviter à prendre ses distances avec la religion.

 En fait ce qui est en jeu c’est la représentation de l’homme :

- créature de Dieu douée d’une Nature ou Tabula rasa ?

- créature de Dieu privée de pouvoir et de vouloir et donc tributaire de la grâce divine ?

- créature de Dieu marquée au sceau du péché originel ou être perfectible ?

 Une troisième possibilité consisterait à penser que pour être un il faut être deux. C’est ce qu’illustre Saint-Augustin (2) qui en se cherchant trouve Dieu ; ou Levinas qui dans le visage de l’autre lit l’impératif catégorique de la Loi mosaïque.

 La religion nous dirait quelque chose de l’homme, de ses angoisses et aspirations. Si la création cesse le 6ème jour n’est-ce pas pour en  laisser la gestion à l’homme et lui donner la liberté de se choisir, de cultiver son jardin et de s’occuper de son frère ? Créateur ou partenaire, c’est à l’homme de se choisir.

L’infini s’inscrirait en creux en l’homme et serait une part essentielle de son émergente humanité.

 Rousseau  en appellera à l’instinct divin, autre nom de la conscience morale ; Hume, Voltaire, au delà de toute pratique religieuse affirmeront l’aspiration de l’homme à une religion  naturelle conforme aux exigences de la raison,  de même que Kant écartant le savoir pour faire place à la croyance ou foi qui est un besoin de la raison pure pratique.

 Alors il faut opérer une révolution copernicienne et comprendre cet humanisme théocentré comme orienté vers Dieu au cœur de l’homme qui en est le temple.

 On peut objecter que nous n’avons pas besoin de cette hypothèse à l’instar de Laplace et qu’ hors de l’Eglise s’il n’y a point de salut le bonheur est toujours possible, mais aussi qu’on n’a pas besoin de  religion pour être humain et qu’elle en serait même l’antithèse.

 Oui, mais il n’en demeure pas moins que les Nouveaux Mouvements Religieux illustrent certes maladroitement, malhonnêtement même,  quelque chose de cette aspiration, que ce soit dans les sectes, mouvements djihadistes, grands rassemblements (foot, rave). A-t-on alors affaire à une résurgence du religieux face à un matérialisme impitoyable, ou à sa réduction à un produit de consommation de type fast food ?

 Les religions sont-elles le dernier bastion de la liberté de croire, de la dignité de l’homme, de la reconnaissance de sa valeur unique et sacrée, de sa responsabilité à l’égard de lui-même et de l’autre, mais aussi de la nécessité de s’affronter à un Tout Autre. Nietzsche l’avait dit : je ne vois pas le prochain mais le lointain, après avoir annoncé la mort de Dieu. Plus près de nous Simone Weil travailla dans «L’Enracinement ou déclaration des devoirs de l’homme » à la fondation d’une civilisation chrétienne qui aurait succédé à la deuxième guerre mondiale, voyant dans le christianisme (à l’instar de Pascal) la seule religion accomplissant le dessein divin, les autres, y compris les philosophies, n’en étant que des avatars. L’actualité cependant, semble démentir la capacité des religions à être humanistes mais peut-on inférer d’une nature à partir des faits ?

  

 

ANNEXE A de la première partie

 

Les exercices spirituels

 Hadot dans « Qu’est-ce que la philosophie antique » relève une multiplicité d’exercices à caractère spirituel pratiqués dans les écoles philosophiques et dont la plupart auraient inspiré la spiritualité chrétienne à savoir :

 1) la concentration du moi obtenue grâce à l’affaiblissement du corps. Ascèse libérant l’âme de la pesanteur de la matière id est désirs.

 2) la pensée de la mort, libérant elle aussi de la crainte de celles de ses amis, parents et la sienne propre. « Philosopher c’est s’exercer à mourir ».

 3) la concentration sur le présent, corollaire du précédent, puisque la pensée de la mort incite à se concentrer sur l’instant qui équivaut à un exercice de concentration sur soi.

 4) l’examen de conscience.

 5) l’expansion du moi dans le cosmos : dilatation du moi qui a pour but de faire disparaitre l’égo grâce à son absorption dans l’univers. « Tendre sans cesse à embrasser l’ensemble et l’universalité du divin et de l’humain ».

 6) le consentement : consentir aux phénomènes tels qu’ils adviennent : pour Epicure cet exercice délivre de la crainte des Dieux et de la mort.

Dans cette perspective l’Allégorie de la Caverne apparaît comme un véritable exercice spirituel à partir d’une méditation sur image.

 Ces exercices visent-ils à accéder à notre humanité en tant que valeur transcendante ; ou bien à dissoudre l’égo dans le vide ?

 

  

2ème partie

LA MODERNITE

 

A) Humanisme de la Renaissance

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La modernité nous affronte à la question de la polysémie du terme :

Sens large philosophique : théorie qui prend l’homme comme fin et comme valeur supérieure.

Sens étroit : mouvement représenté par les humanistes de la Renaissance caractérisé par un effort pour relever la dignité de l’esprit humain et le mettre en valeur en renouant les liens entre cultures modernes et antiques. Dès le XVème siècle, « Humanités » signifie classes d’études littéraires. D’emblée l’idée est que l’humanité d’un homme s’acquiert par les études littéraires des textes de l’antiquité. On éduque à l’humanité. Savoir et vertu vont de pair par opposition à l’idéologie moderne d’une humanité innée, d’une égalité et d’une dignité naturelles.

Les noms les plus marquants de l’humanisme de la Renaissance sont : Nicolas de Cues, El Pogge, Rabelais, Erasme,  G Bruno,  Marsile Ficin, Pic de la  Mirandole,  Montaigne,  La Boétie.

La Renaissance fut-elle humaniste dans les termes conventionnels du dictionnaire et livres de cours faisant de l’homme le centre de ses préoccupations, voire la mesure de toute chose ? Il faut nuancer la réponse. L’humanisme de la Renaissance demeure chrétien car Dieu est la fin de la quête humaine et la condition de l’accomplissement de sa nature et si Pic de la Mirandole mentionne le libre arbitre de l’homme et le choix du sens de son existence c’est pour le rendre responsable du bien et du mal étant entendu que la seule liberté consiste dans le choix de la connaissance approchée  de Dieu qui seule donne sens à l’existence.

L’humanisme c’est en fait la foi en l’homme, en sa perfectibilité, en son aspiration vers un au-delà de lui-même dans  lequel il réalise son accomplissement ; mais c’est aussi l’affirmation de sa dignité et du respect qui l’accompagne. S’étend-il à l’humanité toute entière ? Question épineuse car pour les humanistes, l’humanité s’arrête aux personnes cultivées  ou susceptibles de l’être. Le peuple est un vulgus pecus loin de leur préoccupation et de leur fréquentation. Rabelais place à Thélème des gens nobles et raffinés, Erasme s’adresse à des lettrés. On ne rencontre guère de considération pour la misère du peuple chez les humanistes du XVIème siècle si ce n’est dans les « Tragiques d’Agrippa » d’Aubigné. Il faudra pour cela attendre les XVIII et XIXème siècles.

1) Nicolas de Cues

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Parmi les érudits qui opèrent la jonction entre théologie, humanisme et sciences, il nous faut citer le cardinal Nicolas de Cues (XVème siècle) qui veut convaincre les humanistes, à savoir les mathématiciens, géomètres, astronomes de la compatibilité des sciences et de la religion. Sa démarche suit celle de l’apophatisme qui consiste à parler de Dieu par suppression et négation et dont la source est le gnosticisme des premiers siècles de l’ère chrétienne. Cependant ne rien affirmer de Dieu ne signifie pas n’en rien dire, de même que savoir qu’on ne sait rien est un savoir, une docte ignorance ou nescience. Affirmer de Dieu qu’on n’en peut rien dire, c’est se prémunir contre toute projection anthropocentrique. Dans ces conditions Dieu ne peut  qu’être approché sur le modèle de la suite infinie des nombres ou calcul infinitésimal et des figures géométriques, cercle, sphère, triangle,  qui peuvent  passer du fini à l’infini et devenir des analogon de l’infinité divine. Ainsi la ligne symbolise-t-elle l’essence, le cercle l’Unité, la sphère l’existence en acte. La théologie est reconstruite sur la base de considérations sur l’infini  mathématique et sur les figures du polygone et du cercle qui permettent de figurer la coïncidencia oppositorum qui définit l’essence divine en tant que point de résorption.

Notre connaissance se décline sur le mode de l’analyse et l’univers tout entier dont le cercle est partout et la circonférence nulle part est l’analogon de Dieu. Giordano Bruno et Pascal s’en souviendront.

Le Dieu de Nicolas de Cues est mathématicien et humaniste.

2) Marsile Ficin (1433-1499) 

A l’instar des Pères de l’Eglise il cherche à concilier religion et philosophie voyant en celle-ci les germes de celle-là. Convoquant après Saint Augustin, Saint Thomas et  Averroès (3)  la raison pour fonder la religion  il trouve chez Platon confirmation de son hypothèse dans l’Idée  d’Unité, analogon de Dieu. L’unité est l’aspiration ultime de l’homme et l’on y arrive en s’élevant, et se purifiant de tout ce qui n’est pas soi, ce qui définit la contemplation (théoria).

Ficin se trouve aux confluents du christianisme et de la philosophie antique qui est une propédeutique au christianisme. Mais comme toute analogie,  celle-ci ne manque pas de laisser dubitatif. Quel rapport entre le Bien platonicien et le Christ ressuscité ? Le démiurge fabricateur du Timée est-il l’Un plotinien qui crée par surabondance ? Le Dieu qui incarne dans sa faiblesse la puissance, a-t-il quoi que ce soit de commun avec l’Idée de Bien ? Force est de constater que Ficin poursuit la tradition de la christianisation du platonisme.

Selon lui l’âme humaine à la place centrale dans la hiérarchie corps/qualité/âme/ange/Dieu. L’homme est copula (lien) mundi, milieu entre le corporel et le divin. « Rien ne convient davantage à l’homme que l’idée elle-même d’humanité ».

Celle-ci a pour origine l’expérience de l’altérité qu’incarne le Tout Autre grâce à laquelle l’humanité de l’homme s’accomplit. L’humanitas s’y définit par la conjonction de la philantrophia, l’amour des livres,  la recherche de l’unité humaine.

Pour Ficin, comme pour tous les humanistes il s’agit de restaurer la dignité de l’homme, lui qui a oublié la divinité de ses origines, son principe et sa fin,  il s’agit donc pour l’âme de remonter (aphérese) à son principe en pratiquant trois types d’exercices ou denudatio :

- la contemplation de soi : retrancher la matière jusqu’à la forme pure

- reconnaitre sa sources divine : découverte de Dieu – joie ineffable

- vivre une existence au mépris du corps pour accéder à la disposition innée au dépassement. L’âme couve sous la cendre du corps

Ces trois degrés reprennent ceux de l’ascension dialectique du « Banquet » qui s’élève de  l’amour du beau corps à l’Idée de Beauté par un travail de dépouillement progressif. Il s’agit d’opérer des dichotomies successives : matière-forme ; accident-substance ; puissance-acte, Dieu incarnant l’identité de la puissance et de l’acte, du pouvoir et de l’être. La perfection analogue de l’homme consistera à actualiser ses potentialités, à se séparer de la matière et à « s’élever graduellement depuis la lumière (du bas) en revenant vers la lumière (du haut).

3) Erasme  

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Erasme est sans doute la figure la plus emblématique de l’humanisme du XVIème siècle et l’une des plus critiquée par ses contemporains et censurée par l’église. S’inscrivant dans la veine d’un humanisme chrétien visant à concilier la philosophie en particulier platonicienne, la culture gréco-latine et le christianisme, c’est tout à la fois un militant de la paix, un défenseur critique du christianisme, un pédagogue qui a écrit « Manuel de savoir-vivre à l’usage des enfants » et un satiriste redoutable qui donne au style humaniste, paradoxal et ironique, ses lettres de noblesse, notamment et surtout dans les « Adages » et « L’éloge de la Folie ». Parmi ses œuvre à retenir les « Adages » (1508) au nombre de 4151, compendium de citations grecques et latines visent selon  Mesnard à « régénérer l’homme en purifiant la religion et en baptisant la culture ».

L’humanisme d’Erasme sera : pacifiste ; européaniste ; chrétien.

Les « Adages » sont une somme de sagesse antique et biblique repensée et actualisée, prétexte à exprimer les propres idées de l’auteur et donnée comme des clefs pour comprendre le comportement des hommes.

Mais ce que retient l’histoire c’est « L’éloge de la folie », farce écrite en une semaine à l’intention de son ami Thomas More. Oeuvre hautement ironique, ambigüe, paradoxale, où la Folie prenant la parole fait son éloge  en tant que nécessaire au bonheur de l’homme. Comment en effet supporterait-il de vivre s’il avait une claire conscience de sa condition et de sa nature ? Guerre, libido dominandi, soif de richesses, exactions, vices et tares de toute espèce, parmi tous ces « monstres glapissants » la folie s’en va riant come les fous de la Nef de J Bosch.

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Les hommes sont de pauvres fous qui se prennent pour des sages. « La folie humaniste est clairvoyance » comme l’est le bouffon du Roi. Corrélat de cette vision de l’homme, la vision du monde comme un vaste théâtre.

Et pourtant cette folie éclairant l’homme sur ce qu’il est, n’est que l’envers de la raison.

Restent les « Colloques familiers ou le Monde comme il va », dialogues populaires, formules, farces, sotties à l’intention de ses élèves latinistes, à apprendre par cœur à titre d’exercices de style. Il s’agit de donner des préceptes moraux, d’exposer des problèmes sociaux et politiques. Railleries, satires, caricatures (cartigat ridendo) se succèdent pour peindre le théâtre du monde, pour défendre une éthique humaniste et chrétienne (l’une ne se conçoit pas sans l’autre) prônant le pacifisme, s’insurgeant contre tous les dérèglements portant atteinte à la personne humaine. Liberté et charité, concorde et paix (« Aime et fais ce que tu veux » Saint Augustin), tels sont les deux principes de l’éthique de l’homme parfait qui « ayant vaincu les appétits charnels est régi par le seul mouvement de l’esprit divin ».

De ce fait, Erasme  est un défenseur acharné de la paix et réfute le concept de guerre juste élaboré par Saint Augustin. La guerre ne peut qu’engendrer la guerre et le soldat n’est qu’un mercenaire.

Dans son « Plaidoyer pour la paix » il dénonce comme le fera  Diderot dans les mêmes termes, la collusion et l’hypocrisie des Princes. A cela il oppose le message christique mais préconise aussi le suffrage populaire dans le choix d’un prince, et avant tout la purgation des passions car seul le juste peut vouloir la justice.

4) Pic de la Mirandole (1548-1600) De la dignité de l’homme : préface à son projet global

Esprit encore une fois encyclopédique, pratiquant le grec, le latin, l’hébreu, le chaldéen, épris de zoroastrisme, de la Kabbale, des auteurs arabes, de Platon et d’Aristote, Pic de la Mirandole eut en 1485 le projet de réunir à Florence, l’Europe savante, pour un débat théologico-philosophique à propos de 900 Conclusions qu’il avait compilées et élaborées dans le but d’exposer une concordance des sagesses religieuses et philosophiques. Encore une fois l’humanisme se singularise par cette volonté d’unité principielle par delà les dissensions de fait. L’homme y est défini comme un être singulier doué  d’une liberté radicale et d’une dignité dont la concordia est l’un des aspects. Certes le thème de la dignitas n’était pas nouveau  on avait déjà défini l’homme à l’image du Créateur, on avait souligné les  pouvoirs de sa raison, on l’avait identifié à un monde à la fois terrestre, végétal, animal, céleste.  Quelle est dès lors, l’originalité de Pic de la Mirandole ? C’est d’affirmer, en des termes d’un existentialisme avant la lettre la liberté de l’homme qui garantit sa dignitas. L’homme est un projet. Il choisit ce qu’il sera, l’essence ne précède pas l’existence. Potentiellement susceptible de devenir toutes choses, ouvert à tous les possibles, co-créateur avec Dieu, l’homme n’a point de place déterminée et l’existence est une véritable aventure prométhéenne.

Ni ange, celui-ci étant d’emblée parfait, ni bête déterminée par son instinct, l’homme est un indéterminé totalement plastique, inadapté à tout, à tout adaptable mais dont la vocation, la tâche et le devoir est d’aspirer aux sommets, de ne se soucier que des choses du ciel grâce à la charité, l’intelligence et le jugement. Pour rendre compte de cette alchimie, son style se fait métaphorique, lyrique voire baroque, style de la nouvelle philosophie dont il se veut l’inventeur. 

Son message passera pour hérétique, ses thèses seront condamnées et il mourra à 30 ans de mystérieuse façon, peut-être à cause de son amitié pour Savonarole.

5) Giordano Bruno Résultat de recherche d'images pour "Giordano Bruno"

La vie de Giordano Bruno demanderait à elle seule un exposé tant elle fut riche et pleine de rebondissements. Il fréquenta le cercle de l’Académie du Louvre d’Henri III, fut appelé auprès du roi d’Angleterre, chassé d’Italie par l’inquisition auprès de laquelle il fut dénoncé. Il fut brulé vif à 43 ans.

Humaniste, il le fut dans sa démarche même en vouant l’homme à l’infini. Avec lui on passe bien du monde clos à l’univers infini, non plus pensé comme privation de limite, mais comme illimitation des mondes possibles dont le nôtre n’est qu’un élément. L’illimité est le défi que la raison humaine doit relever. Microcosme de l’univers, l’homme le contient tout entier au point de pouvoir devenir Soleil « cette lumière plus haute et plus digne en laquelle je me transforme et à laquelle je m’unis » (5).

Progressivement, grâce ou à cause de la prééminence progressive des mathématiques le rapport au monde va changer et de mystique se faire rationnel, les sciences s’éloignent à leur tour de leur origine théologique. Le philosophe se transforme de sage en savant.

Copernic en sera le précurseur, lui qui déduit la position du Soleil à l’intérieur d’un système de relations entre les astres qu’il imagine. La méthode expérimentable fait timidement son apparition.  Descartes définit l’homme par la raison assortie d’une méthode dont le modèle mathématique lui permet de s’élever aux vérités les plus complexes. Cela n’explique pas que le monde soit ainsi plutôt qu’autrement mais en tout cas son langage est mathématique. L’homme prométhéen peut aspirer à se considérer comme maître et possesseur de la Nature.

En même temps l’individu émerge comme une entité unique comme en témoignent les autoportraits qui prolifèrent et la perspective géométrique Résultat de recherche d'images pour "bataille de san romano"qui invite l’œil à se perdre dans l’infini.

Après un humanisme theocentré on passe à un humanisme anthropocentré qui a hérité de la notion de personne issue du christianisme. Bientôt l’individu revendiquera des droits naturels, les  autorités reçoivent leur premier coup de butoir que ce soit l’Eglise ou la monarchie. Les coutumes examinées par Montaigne sont passées au crible de la critique tandis que Thomas More propose uneorganisation sociale utopique. L’individu revendique la liberté de penser par lui-même en tant qu’il est doué de raison et de conscience réfléchie.

 

6) Montaigne

Avec Montaigne le ton de l’humanisme change car l’humanisme se dit de multiples façons. Le premier, il affirme dans l’incipit de ses « Essais » que « C’est moi que je peins… je suis moi-même la matière de mon livre… sujet si frivole et si vain ». A l’encontre de l’humilité coutumière que requièrent les écritures du moi, Montaigne s’affiche sans vergogne et même de façon provocatrice mais il ne faudrait pas oublier qu’en se peignant, c’est le lecteur, id est tout homme qu’il décrit. Comment le décrit-il ? Ce n’est plus l’être solaire qui aspire à Dieu, qui cherche à se transcender voire à s’arracher à sa nature ou qui tel Prométhée se lance à l’assaut de l’infinité des mondes possibles, il n’est pas non plus le porte étendard d’une chrétienté évangélisatrice, ni d’une culture européenne triomphante au contraire et sa critique des mœurs, institutions, valeurs le dit assez. Qu’affirme-t-il donc ? La liberté et la médiocrité.

Son humanisme est à la mesure d’un homme qui n’est pas mesure de toute chose, cependant doué de libre arbitre et de raison, observateur des mœurs humaines en leur imperfection. Annonçant les prochaines Lumières, c’est un tolérant qui pourchasse les obscurantismes, un savant qui se veut médiocre, un philosophe qui apprend à mourir. Sa grandeur est de se savoir faillible. Est-il le signe d’un désenchantement de l’humanisme de la Renaissance ? N’a-t-il plus foi en l’homme réduit à « un misérable petit tas de secrets » ? A moins qu’on y voit un réalisme bien plus efficace que les illusions d’un moi idéal. D’un humanisme élitiste on  accède à un humanisme accessible à tout homme de bonne volonté, honnête, préoccupé de son bonheur, plus que de son salut en compagnie de ses frères humains. Ce n’est pas par hasard que Montaigne fut aussi épicurien  et que certaines pensées ne sont pas sans rappeler les maximes de Ménandre ou de Terence. La sagesse n’est ni dans l’en-thousiasme ni dans le sacrifice, maire de Bordeaux il quitte la ville que la peste envahit, ni dans l’héroïsme, mais c’est celle d’un homme équilibré, usant de toutes les ressources de sa nature. « J’ai mis tous mes efforts à former ma vie dans la médiocrité d’un homme. Voici mon métier et mon ouvrage ». «  Il n’est rien de si beau et si légitime que de faire bien l’homme et dûment » en touteliberté, celle de penser avant tout, au sens où il refuse les pensées conventionnelles ou préjugés, les dogmatismes dont ceux de la religion et les faux problèmes comme celui de la prétention à connaître Dieu. C’est pourquoi à la différence de ses prédécesseurs, il est agnostique et admet donc que toutes les religions ont du bon. Son indépendance s’exprime aussi à l’égard de l’autre « Il faut se prêter à autrui et ne se donner qu’à soi-même ». Mais plus que tout c’est de la tyrannie des désirs vains et de l’illusion du moi dont il veut s’affranchir.

Ainsi ouvre-t-il la voie à l’analyse psychologique du moi qu’incarneront « La Princesse de Clèves » et la tragédie au XVIIème siècle.

 

 

3ème partie

HUMANISME MODERNE

 

A la différence de la conception précédente de l’humanisme, celui conçu au XVIIIème siècle, repose sur une révolution anthropologique considérant que tout homme est une personne et non une créature de Dieu,  jouissant de droits égaux, douée de bon sens, dont la volonté est infinie et qui est naturellement bon.

Plus n’est besoin de l’érudition préconisée par Rabelais, d’une naissance noble, d’une éducation aux arts et aux lettres, ni du truchement de la religion pour accéder à la vérité.

Au devoir de devenir homme va se substituer le droit à l’être. Tous les hommes jouissent d’une égale dignité, ce qui explique que l’un des combats du XVIIIème siècle portera sur le statut des esclaves, des colonisés, des juifs, des domestiques, des pauvres, des filles-mères, des vieux et de la femme.

Cela ne signifie pas pour autant que l’on ne doive y contribuer pour réaliser sa nature d’autant que s’il y a bien des droits reconnus (mais inappliqués) les moyens font défaut. L’individu a le devoir d’être ce que ses droits présupposent qu’il est et lui confèrent le droit d’être.

Dans « L’Emile », Rousseau s’exclame « Hommes soyez humains, c’est votre premier devoir : soyez-le pour tous les états, pour tous les âges, pour tout ce qui n’est pas étranger à l’homme. Quelle sagesse y-a-t-il pour vous hors de l’humanité ? ». En tant que zoon politikon, hors de l’humanité, l’homme est un ange ou une bête / brute.

L’humanisme n’est pas seulement une histoire individuelle mais aussi une aventure collective qui fait dire à Kant « Penserions bien et même penserions quelque chose si nous ne pensions avec les autres ? ». D’étude des lettres antiques, pétri de valeur morale, l’humanisme est devenu philosophie (combat) politique. Ce n’est du reste qu’au XVIIIème siècle que le terme fait son apparition, mais, redisons-le, le point commun est la foi en l’homme originée dans ce que Rousseau nommera sa perfectibilité.

En la matière le texte clef (manifeste) est sans doute les quelques pages de la réponse de Kant à la question « Qu’est ce que les lumières » ? C’est la sortie de l’âge de la minorité et l’accès à la majorité grâce à l’usage de son entendement  et au courage d’oser (sapere aude) penser par soi-même en surmontant sa paresse et sa lâcheté. A cette condition la liberté devient autonomie.

Mais l’individu n’est pas seul responsable de sa servitude ; ce serait négliger les institutions en particuliers religion et politique qui forment les moeurs selon les valeurs d’obéissance et soumission.

Aussi nul philosophe ne les épargne, Rousseau dénonçant le droit du plus fort,  Montesquieu fustigeant l’esclavage des nègres, Voltaire attaquant les jésuites ( Ecrasons l’infâme). Diderot, le seul athée matérialiste, enjoint le roi de détruite le clergé dont les représentants sont des menteurs, voleurs, qui ruinent l’Etat, et portent atteinte au pouvoir. Progressivement la tolérance, déjà requise par Locke (Lettre sur la tolérance) devient une exigence qui se concrétisera par la sécularisation puis la loi de laïcité en 1905 rendant à chacun sa liberté de croire. Les philosophes tracent donc les linéaments d’une autre relation au divin (qu’il s’agisse du déisme ou du théisme) dans les limites de la simple raison. Que ce soit Voltaire qui présuppose un grand horloger à l’origine de ce qui est ; ou Hume qui développe le concept de religion naturelle ; ou encore Kant qui définit celle-ci « comme celle en laquelle je dois préalablement savoir que quelque chose est un devoir avant que je puisse le reconnaitre comme un commandement », tous appellent de leurs voeux une religion définie dans les limites de la raison,  une religion morale où les devoirs de l’homme sont conçus comme des commandements divins auxquels on choisit d’obéir non par crainte mais par raison. Chacun peut donc se convaincre par sa raison du bien fondé et du contenu de la religion naturelle. Confiant en l’homme, Rousseau affirme sa bonté naturelle qui lorsqu’elle n’est pas empêchée, dénaturée par l’éducation, fait de lui un être moral qui sent ce qui est bien ou mal grâce à la conscience morale qui est un instant divin.

En outre le droit à la liberté pour ne pas rester lettre morte doit s’incarner sur le plan politique sous peine de demeurer une indépendance individuelle et non une autonomie collective. Or si l’on veut échapper aux régimes autocratiques, il faut instaurer un contrat social qui repose sur l’engagement librement consenti d’un citoyen doué de conscience, rationnel et raisonnable, autonome c’est-à-dire capable de se donner à soi-même sa propre loi et qui en obéissant aux lois n’obéisse qu’à lui-même.  Ainsi en passant de l’hypothétique état de nature à la société civile, l’homme y gagne en intelligence, en liberté, en droit. La citoyenneté accomplit l’être humain en son humanité. La République que les philosophes appellent de leurs vœux est un humanisme malgré le désenchantement actuel.

La consécration de ce mouvement des Lumières s’incarne dans la première Déclaration des Droits de l’Homme aux Etats-Unis puis en France, sans négliger la Déclaration des Droits de la Femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges. (6)

Avec les Déclarations des Droits de l’Homme fondées sur le principe de la dignité et de la liberté inaliénables de l’homme, vont s’effondrer les fondements de l’Ancien régime : colonie, esclavage, marchandisation.

Mais l’humanisme du XVIIIème siècle sera l’objet de mains soupçons dès le XIXème siècle. En effet, c’est bien au nom de l’homme tel qu’il doit être que nombre d’exactions seront commises pour éliminer tous ceux qui ne correspondraient pas à cet idéal normatif.

Si l’homme est bon par nature, alors il faut impitoyablement éliminer tous les déviants, qui ne sont plus pardonnables.

Humanité parfaite et morale collective font tourner l’humanisme au cauchemar. Le XIXème siècle l’incarnera dans la notion de progrès à marche forcée.

A l’origine de la critique de l’humanisme il y a d’abord le préjugé sur lequel il est fondé, à savoir l’humanité elle-même.

1) – Nietzsche Résultat de recherche d'images pour "nietzsche" dans « Par delà le bien et le mal » ou la « Généalogie de la morale » déconstruit à la fois le mythe de la nature humaine et les valeurs de l’homme occidental. L’homme est un être de désir, un être pulsionnel dont l’humanisme nie la réalité.

 Pour Nietzche il ne s’agit pas de substituer au réel quelque monde intelligible et quelques figures mythiques, mais de vouloir l’éternel retour des choses auxquelles on dit oui, l’éternel retour d’un réel qu’on ne fuit pas, ce qui n’est possible qu’en surmontant le trop humain en nous qui exerce grâce à la ruse et la vengeance, une autorité normalisatrice qui valorise la haine de la matière, du réel, de l’homme. L’élévation au-dessus de sa condition, tendue vers Dieu,  n’est-elle pas une négation de l’homme, une consolation du pauvre, une illusion ? Nietzsche vise donc la réhabilitation de l’humain en lui assignant l’ objectif à titre individuel de devenir un « surhomme » afin de recouvrer sa puissance vitale. En ce sens le platonisme serait la pathologie par excellence de l’humanité impuissante à affronter sa condition telle qu’elle est. Fi de la transcendance, c’est la grandeur du vital que l’homme doit retrouver et élever contre la morale de l’impuissance, du nihilisme, de l’ascétisme.

De nouvelles Lumières sont appelées à naître selon Nietzsche :

-«  Découvre qui tu es et ce que tu peux bien au-delà de ce qui est autorisé à une bête de troupeau. Sors des limites fixées par le champ démocratique. Brise les barrières du licite et de l’illicite »   

- « Ose frayer ton propre chemin à travers le champ des possibles »

- « Donne libre cours à ta puissance et ne la laisse pas se restreindre aux bornes et aux valeurs établies pour les faibles ».

-«  Vois par toi-même. Sens par toi-même et juge selon des critères qui n’appartiennent qu’à toi-même… »

A l’encontre de toute norme collective qui dessine les limites d’un humanisme idéal, conventionnel et normatif, qui « emploie sans ménagement tous les individus comme combustible pour chauffer ses grandes machines » (« Humain  trop humain ». I, 673). Nietzche en appelle à une humanité de l’avenir « Ce bonheur divin qui s’appellerait alors, humanité ».

Mais n’est-ce pas de cela dont ce sont prévalus les humanistes et ne confond-on pas ce qu’ils furent à  titre individuel avec les –isme dont l’histoire les affuble ?

2) – Marx Résultat de recherche d'images pour "marx"à son tour déconstruisit les valeurs humanistes au fondement de la République Française et de la Déclaration des Droits de l’Homme en posant la question de savoir qui est l’homme des droits de l’homme ?

Tout d’abord l’ « Homme » existe-t-il ? L’Homme est-il la synecdoque de l’humanité alors qu’on en exclut femmes, enfants, sauvages, juifs, esclaves ? L’homme des droits de l’homme n’est autre que l’européen, bourgeois, aspirant  à une économie libérale et s’en donnant les moyens. En outre quelle effectivité les droits peuvent-ils avoir s’ils ne sont accompagnés des moyens ad hoc ? Une civilisation juridique émerge évinçant l’homme au profit du sujet juridique, car dorénavant il ne s’agira plus d’être humain mais d’obéir à la loi, de respecter les droits établis et d’être bien assurés. Droit et immoralité peuvent aller de pair. Marx cependant instaure un nouveau messianisme, celui du prolétariat à venir et sa philosophie est une nouvelle mouture de l’eschatologie  requérant les mêmes sacrifices de l’individu au (collectif) sens de l’histoire.

La conscience morale ayant perdu l’appui de la religion et de la métaphysique, l’individu devient mesure de toute chose et en est responsable sans plus, cependant,  être intéressé par l’homme. La Révolution Copernicienne est accomplie. Corollaire : la raison arraisonne le monde et grâce aux sciences et aux techniques met le monde en coupes réglées. L’homme s’est rendu maître et possesseur de l’Univers tandis que le capitalisme se révèle l’antéchrist de l’humanisme en aliénant la masse des ouvriers et en accroissant le capital au détriment de ceux qui travaillent. Telle est la réalité. De nouvelles valeurs : rentabilité, adaptation, efficacité, polyvalence, flexibilité, issues des techniques deviennent des valeurs humaines.

3) – Freud Résultat de recherche d'images pour "freud"dans son ouvrage « Malaise dans la civilisation /ou culture »  nous ôte toute illusion quant à ce qu’est l’homme. Il n’est pas bon par nature, n’éprouve pas d’amour pour son prochain, ne peut connaitre le bonheur bien que cette dangereuse illusion soit le moteur des sacrifices que l’individu accepte dans l’espoir d’en jouir. Dans ces conditions la question de l’humanisme ne se pose même pas.  Il s’avoue du reste pessimiste et dans sa correspondance avec Einstein dans « Pourquoi la guerre » il écrit à ce dernier que tout entreprise en vue de la paix est  vouée à l’échec car le désir ne connait ni morale, ni loi comme l’illustrera l’expérience de Milgram.

 « La guerre, écrit-il est une psychose collective qui révèle un besoin de haïr et d’anéantir latent  en tout individu ». Mais après tout l’agression et la guerre ne sont pas intrinsèquement mauvais, car on ne se pose qu’en s’opposant. « Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort ».Il y adonc un bénéfice psychique à la violence. La culture est paradoxalement fondée sur la violence. La culture offre en effet un « renforcement » de l’intellect ;  sensibilise aux droits humains ; soumet « la vie pulsionnelle à la dictature de laraison ».En conséquence ce n’est plus le philosophe qui devra devenir roi mais le psychologue afin de contrebalancer les effets névrotiques du refoulement de l’agressivité par des compensations dignes d’un Machiavel, ou d’un Mussolini auquel en 1933 Freud offrit « Pourquoi la guerre » en l’accompagnant d’une dédicace : « De la part d’un vieil homme qui salue dans le dirigeant le héros de la culture ».

Pourtant le visage de l’autre ne m’invite-t-il pas au respect puisqu’il « nous interdit de tuer » ? Or la relation éthique au visage n’est-elle pas le signe par excellence de l’humanité de l’autre homme, irréductible à toute réification et me rappelant silencieusement à la responsabilité que j’ai à son égard ? Et cette positon de Levinas puisque c’est de lui qu’il s’agit, pourrait être un résumé de ce qui précède.

Et en effet dans son ouvrage « Entre nous » (7) au chapitre « Droits de l’homme et bonne volonté », il rappelle que les droits de l’homme ont hérité des impératifs bibliques auxquels ils ont conféré un caractère juridique. Dès lors, l’humanité de l’homme et partant le caractère exceptionnel de celui-ci a été reconnu générant un régime politique ad hoc : la démocratie.

Mais cela suffit-il à l’humanisme ? Certes non et la crise de celui-ci dont le post-humanisme et dans un autre domaine, le transhumanisme, ont prononcé la fin, pourraient en témoigner et pourtant comme l’écrit toujours Levinas, « la bonté répondant sans raisons, ni réserves à l’appel du visage, sait trouver des sentiers vers un autre qui souffre... ».

Point donc d’humanisme sans charité, sans miséricorde, sans « dés-inter-essement » de soi au profit de l’autre. Le « pour-autrui » serait un autre nom de la relation érotique sans laquelle l’humanisme n’est qu’un de « ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens, qui chantent plus qu’ils ne parlent » (Paul Valéry).

 

ANASTASIA CHOPPLET

Conférencière et philosophe

 

 

 

 

(1) Aristote « La politique »

(2) Voir conférence Saint Augustin sur le blog

(3) Voir conférence Averroès sur le blog

(4) Voir conférence Giordano Bruno sur le blog

(5) Giordano Bruno « Les fureurs héroïques »

(6) Voir conférence sur le blog

(7) Levinas « Humanisme de l’autre homme » - « Entre nous »

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