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Conférences de Solange Anastasia Chopplet
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24 novembre 2019

PLATON LE SAVOIR DU POUVOIR

 

Résultat de recherche d'images pour "PLATON"

 

Platon (427 – 346 av. J.C.) fut le premier philosophe à pratiquer une critique des réalités politiques et à élaborer une psycho-politique fondée sur une métaphysique. La politique devient l’objet de l’éducation et la préoccupation d’une vie entière pour ceux qui seront gardiens de la Cité comme elle l’est de l’œuvre du philosophe (soit 26 dialogues). Qu’il s’agisse directement de « La République », de « La Politique », du «Philèbe » et des « Lois » ou indirectement de l’« Apologie de Socrate » du « Criton » et du « Gorgias ».

Platon était lui-même, de par sa naissance d’une grande famille aristocratique athénienne descendant par sa mère de Solon, destiné à la politique. La situation d’Athènes historique et politique en faisait du reste un foyer effervescent de guerres et de changements politiques. Mais la fin catastrophique de la guerre du Péloponnèse (431 – 404) priva Athènes de son hégémonie et instaura un régime tyrannique qui sera cependant suivi de la restauration de la démocratie jusqu’en 336. C’est par celle-ci que Socrate sera condamné à mort.

La démocratie athénienne est directe,Résultat de recherche d'images pour "ecclesia athenes"

ce que permet une société restreinte. Les citoyens détiennent le pourvoir législatif, contrôlent le pouvoir exécutif et judiciaire et l’exercent de façon égalitaire. Or ceci ne va pas sans poser moult problèmes que Platon traite dans ses « Dialogues ». En mettant face à face Socrate et un sophiste, il s’interroge sur ce qui fonde la justice : la loi ou la force ? La légitimité du pouvoir tient-elle à l’intérêt des plus forts ou du plus grand nombre ? La nature est-elle le modèle de la justice sous la forme du droit du plus fort, ou bien est-ce la convention, laquelle bride la nature ? Faut-il tenir compte de l’opinion pour diriger la cité ou bien d’un modèle idéal ? La réponse des sophistes est claire : pour eux le pouvoir est une question de rapport de force où il s’agit d’être le plus fort. Mais pour Platon, de même que la lumière pourtant invisible permet de voir, de même les Idées et en l’occurrence celle de justice doit fonder le pouvoir. C’est donc des Idées à la réalité que la conséquence est bonne. Il fonde donc bien la politique sur la métaphysique. Or celle-ci n’est accessible qu’au bout d’une éducation fort longue réservée aux gardiens de la Cité dont l’un d’entre eux sera le philosophe roi. C’est tout l’objet de la « République ».

Revenons sur sa rencontre avec Socrate Résultat de recherche d'images pour "socrate"qui fut pour Platon, âgé alors de 26 ans, décisive. Devenu son disciple, il abandonnera ses ambitions théâtrales et politiques. Il réfléchira sur le politique mais ne fera pas de la politique comme il le raconte dans la « Lettre VII ». A la suite de la mort du maître, sa question sera « Comment réaliser une société telle que la mort de l’innocent n’y soit pas permise ? » Mais qui est ce maître qu’on a comparé à Jésus, un autre innocent ?

Difficile de se prononcer sur Socrate qui est l’objet de l’admiration de Xénophon et de l’opprobre d’Aristophane dans sa pièce « Les Nuées ». On sait que son enseignement était oral, qu’il déambulait à travers Athènes en interpelant ses concitoyens vis-à-vis desquels il était un taon, les harcelant comme le lui avait enjoint la pythie de Delphes en proclamant qu’il était l’homme le plus sage comme le rapporte Platon dans « L’Apologie de Socrate ». Pour bons services rendus à la cité, Socrate sera condamné à mort par le régime démocratique d’Athènes. 500 juges constitueront son tribunal. De ce procès Platon retiendra d’une part la difficulté, quel que soit le régime, à être juste, c’est-à-dire à défendre la liberté et l’égalité pourtant au fondement de la démocratie : « Il n’est aucun homme qui puisse éviter de périr pour peu qu’il s’attache à empêcher dans sa Cité les injustices et les inégalités » (Apologie), et d’autre part l’origine des formes du mal politique identiques à celles des vices et des passions de l’homme que le régime doit s’appliquer à corriger.

D’où la nécessité de commencer par connaître l’homme non pas au sens psychologique actuel, mais au sens ontologique : qu’est-ce que l’homme en tant qu’homme ?

Or seule la philosophie est susceptible de répondre à cette question, c’est pourquoi l’homme politique devra être philosophe pour pouvoir gouverner les hommes. « Le genre humain ne mettra pas fin à ses maux avant que la race de ceux qui, dans la rectitude et la vérité, s’adonnent à la philosophie, n’aient accédé à l’autorité politique ».

C’est pourquoi « La République » sera consacrée au choix du régime politique, à l’organisation de la Cité et à l’éducation du philosophe roi qui cependant ne s’incarnera pas. Le malheureux épisode avec Denys de Syracuse que Platon échoue à éduquer à la gouvernance le confirme.

La question se pose donc de savoir (à l’heure où il n’est plus question de valoriser l’instruction civique à l’école) en quoi consiste cette éducation (Rép. L III. L V). En premier lieu il s’agit de cultiver l’usage critique de la raison qui, à l’instar d’un bon cocher est capable d’harmoniser les tempéraments dissemblables de ses chevaux. Grâce à la raison on ne sera jamais persuadé par ce qui se présente pour vrai et nous flatte, mais convaincu par des arguments offerts au débat.

En second lieu, c’est sur la qualité morale de l’individu que repose l’art politique. Politique et vertus vont donc de concert. Dans le « Gorgias » Socrate dit que l’art politique est l’ «art qui s’occupe de l’âme» ; c’est dire que les vertus, à savoir sagesse, courage, tempérance sont des vertus politiques et ne relèvent pas de la seule volonté des individus mais de la constitution en vigueur.

En troisième lieu, le but du gouvernement doit donc être de rendre les individus meilleurs et de leur donner les moyens d’être heureux c’est-à-dire de vivre bien, sereinement en accord avec son âme et avec les autres. Mais pour ce faire il faut les persuader qu’ils sont touts frères pour éviter les conflits d’intérêt qui détruit l’harmonie sociale « Vous qui faites partie de la cité vous êtes tous frères » (République 415a).

Mais on pourrait objecter : suffit-il que le Roi connaisse le bien, le juste pour le faire ? N’est-on méchant que par ignorance ? Suffit-il que l’Etat veille à l’éducation des individus pour en faire de bons citoyens ? N’est-ce pas là ignorer les zones d’ombre de la psyché ? Qui plus est quels sont les professeurs de ce savoir ? Certes des philosophes, mais ils n’en sont pas moins hommes.

A ces conditions s’en ajoutent une autre : une formation intellectuelle longue et complexe (mathématiques, dialectique) qui coïncidait mal avec une démocratie directe où les citoyens étaient tirés au sort et où le débat d’opinions prévalait.

En effet s’il est bon que l’isogoria (égalité de parole) s’impose comme principe d’égalité, encore faut-il avoir quelque chose de sensé à dire, fondé sur la connaissance du bien public. La frontière est donc très mince et pourtant infranchissable entre la recherche du Bien et celle des biens. On en a un exemple dans le « Criton » où il est proposé à Socrate de s’enfuir ce qu’il refuse en vertu du respect de la Loi au détriment de sa vie. Certes, mais encore faut-il que la loi soit juste. D’où la question de Sala Mollins : la loi de quel droit ? Faut-il obéir à la loi parce que c’est la loi ? L’obéissance à celle-ci est-elle une garantie de justice ? Ne la sert-on pas mieux lorsqu’on lui désobéit si elle est injuste ?

Du reste dans l’ « Apologie », Résultat de recherche d'images pour "l'apologie de socrate"Socrate informe ses juges qu’il n’hésitera pas à désobéir à une interdiction de parole critique. La limite de la loi est donc celle de la vertu de l’âme. On peut s’étonner que Socrate accepte le verdict, mais ce à quoi il obéit n’est pas un jugement ponctuel, mais la Loi en soi dont la vertu est de permettre aux citoyens de bien-vivre ensemble ce dont Socrate a profité toute sa vie.

Platon se présente en réformateur de la société et de l’individu. Il ne s’agit plus de convaincre chacun d’être vertueux mais d’organiser la Cité de telle sorte que tous soient des « citoyens » oeuvrant au bien commun, sans que cependant la majorité ait accès à ce pouvoir laissé aux mains de l’élite des gardiens. C’est pourquoi on a à faire à une utopie. « La République » s’interroge sur l’essence de la justice mêlant les dimensions historique et métaphysique au moyen de mythes.

Songeons au Livre VII qui sous la forme d’une allégorie trace la voie d’accès vers les Idées dont la contemplation est nécessaire à la gestion de la Cité. Résultat de recherche d'images pour "prisonniers de la caverne de platon"

L’interprétation de celle-là en est plurielle et c’est pourquoi le mythe donne à penser. On peut en effet l’interpréter comme la situation de l’individu anonyme focalisé sur des images qui constituent sa réalité dont il ne parvient à s’extraire pas plus qu’il n’accède à la conscience de soi qui ferait de lui un « je » susceptible de dialoguer avec un « tu » en vue d’un nous ; ou bien comme le cheminement éducatif du gardien requis à la connaissance des Idées nécessaires à l’action ; ou encore comme un parcours faisant accéder des niveaux tropologique et anagogique. Dès lors on quitte le plan du politique pour accéder à celui du métaphysique et c’est seulement à ce moment que l’on peut redescendre dans la Caverne. Or la perspective eschatologique finale de « La République » sur la rétribution et l’immortalité de l’âme, rejoint les propos de Socrate dans le « Phédon », de sorte qu’on pourrait aussi lire « La République » comme une métaphore de sa tragédie et la justification des maux dont le philosophe menace ses accusateurs.

 Par ailleurs on ne saurait faire fi des sophistes comme Platon y invite, aussi facilement d’autant que depuis une quarantaine d’années on les a réhabilités comme d’honorables penseurs de la chose politique.

Pour Platon ce sont des « négociants en matière de savoir ». Ils manipulent la vérité, font « de l’argument le plus faible, l’argument le plus fort » comme on en accuse Socrate dans « L’Apologie ».

Mais Platon se serait-il tant acharné contre eux s’ils n’avaient été des ennemis de taille en matière précisément de politique ?

Les premiers sophistes, Protagoras, Gorgias ,Résultat de recherche d'images pour "gorgias"

ont élaboré une pensée critique à l’égard des mythes, de la métaphysique, au profit d’un réalisme mâtiné de relativisme que Protagoras synthétise dans sa maxime « L’homme est la mesure de toute chose » et non pas les dieux. La gestion de la Cité doit prendre en considération ce que sont les hommes et non ce qu’ils devraient être. C’est pourquoi tandis que Platon prône une aristocratie au pouvoir, eux encouragent la démocratie, entendons la démagogie.

Relisant le mythe de Prométhée, Protagoras en fait le héros du progrès et de la technique grâce à laquelle l’homme pourra se rendre maître et possesseur de la nature à condition toutefois, ajoute Platon, de connaître l’art politique auquel Prométhée n’accède pas et dont les hommes sont privés.

 

 Pour en revenir à « La République » elle se structure de la façon suivante :

 - Entretien entre Socrate et Trasymaque qui traite des conceptions traditionnelles et sophistiques de la justice dont celle de Socrate sera le contrepoint (Livre I)

- Définition de la justice (Livres II à IV)

- Condition d’une cité juste (Livres V à VII)

- L’injustice dans la cité et l’individu (Livres VIII et IX)

- Récompenses de la justice.

Tout est centré autour du fonctionnement d’une Cité juste, c’est pourquoi Platon opère une sélection rigoureuse de ce qui pourrait la perturber. Ainsi les artiste en sont-ils bannis ; les sophistes dénoncés comme des illusionnistes dangereux ; les différents régimes dont la démocratie analysés, voire condamnés.

 On retiendra de « La République » que Platon vise tout d’abord l’harmonie de la Cité à l’image de celle du cosmos. Harmonie qui se retrouve sur tous les plans, de l’individu à la société ; de la vie matérielle à la vie spirituelle. D’où l’ouverture et la conclusion religieuse du dialogue. Il s’agit d’instaurer le bonheur grâce à la justice qui est « le plus grand bien de l’âme ». Le bonheur ne se confond ni avec le plaisir toujours ponctuel ni avec le désir de gloire ou d’enrichissement qui génère un manque récurrent. Mais pour l’obtenir comment faut-il organiser la société ? Pour ce faire Platon commence par l’originer dans le besoin naturel instaurant la division du travail selon les aptitudes naturelles de chacun en évitant l’enrichissement ou chrématistique qui entraîne conflits et inégalités. Rousseau reprendra le thème dans le « Discours de l’origine de l’inégalité parmi les hommes ». Platon décrit alors dans la « poléogonie » (engendrement, genèse « gonos », des régimes politiques : « polis ») quatre régimes politiques : la timocratie : gouvernement d’une aristocratie militaire ; l’oligarchie ; la démocratie ; la tyrannie.

 Dans « La République » c’est aux gardiens de la Cité, d’assurer la paix et le bonheur par la vertu. Mais là où le bas blesse c’est qu’en définitive Platon crée un régime d’exception pour les gardiens seuls ; ils bénéficient d’une éducation exceptionnelle, d’un régime « communiste » sans propriété, avec partage des femmes, ce qui abolit la structure familiale, quant à l’éducation des enfants elle est confiée à la Cité.  

Les femmes sont certes des reproductrices mais jouissent de la plus totale liberté sexuelle une fois la ménopause atteinte. Quant à la société, elle est rigoureusement divisée à l’instar de l’âme et du corps ; le philosophe roi est la raison ; les gardiens, le coeur ; le peuple, le ventre incarnant le désir et pourvoyant au nécessaire vital.

 Dans « La société ouverte et ses ennemis » (Tome 1) Karl Popper pointe les éléments totalitaires de « La République » : eugénisme ; contrôle des mariages et naissances ; censure de l’art ; propagande ; pouvoir d’une élite ; sclérose sociale ; au détriment de l’égalitarisme, de l’individualisme (droits des individus) et du libéralisme (rôle de l’Etat réduit à la protection des droits et à la liberté des individus). A quoi l’on peut ajouter l’absence de débats et de conflits en l’absence de classes sociales.

 Mais Karl Popper qui écrit au sortir de la 1ère guerre mondiale et avant la seconde, est dans un tout autre contexte pour le coup totalitaire, comme ce sera le cas de G. Orwell.Résultat de recherche d'images pour "ORWELL 1984"

Or Platon s’intéresse à l’idée de justice et à la société qui pourrait la réaliser dans le cadre d’une res-publica alors que la démocratie athénienne a dérivé en régime totalitaire. En outre si l’idée d’individualisme est familière à Popper, elle est secondaire pour Platon dans une Grèce ou la collectivité compte avant tout. Reste à savoir comment Platon considérait la démocratie pour lui préférer un commandement aristocratique.

 Précédant la critique de Platon, on peut lire dans « Histoires » d’Hérodote Livre III une sévère critique de la démocratie lors d’un dialogue affrontant trois perses, chacun valorisant un régime politique. A l’égard de la démocratie on lui adresse le reproche de valoriser les méchants qui l’emportent par la violence, à l’instar du reste de l’oligarchie, d’être manipulable, intéressée, changeante.

 Un second texte anonyme bien que longtemps attribué à Xénophon, « République des Athéniens » reprend les mêmes critiques opposant le kakos, le méchant, aux Xalos agathos, idéal de l’homme bel et bon qu’incarne l’aristocrate. Celui-là peut-il se voir confier la gouvernance de la Cité ? L’argumentation rappelle celle de Calliclès face à Socrate. Le peuple est « animé d’un esprit de chicane et de haine contre les honnêtes gens…ils les privent de leurs droits civiques, confisquent leurs biens, les exilent, les mettent à mort, tandis qu’ils élèvent les hommes de rien ». Anaxagore comme Socrate en sont des exemples, l’un condamné à l’exil, l’autre à la mort par le peuple au pouvoir.

 Un autre argument en défaveur de la démocratie est que les pauvres ne peuvent supporter la charge des liturgies qui incombent aux riches (sacrifices, chœur, armée, repas festifs pour les pauvres), pire l’Etat les défraye de leur présence à l’écclésia et au théâtre.

 En outre les démocrates « ne se croient pas tenus de garder la foi des traités dont ils rejettent la responsabilité sur l’orateur ou l’épistate qui les ont fait voter ». Ils ne supportent pas non plus les railleries des poètes comiques, mais les « encouragent à traduire en ridicule les particuliers intrigants ou ambitieux". Certes le peuple retire bien des avantages du régime démocratique mais celui-ci peut verser dans la tyrannie. 

Face à la démocratie, l’opinion se partageait en modérés qui en acceptaient le principe mais en regrettaient les abus, et en contestataires refusant au peuple la capacité de (se) gouverner comme en témoignera Plutarque (Vie de Nicias, 8) et Aristophane dans « Les Cavaliers ». 

Examinons la position de Platon. Celui-ci attribue la naissance de la démocratie à la guerre civile qu’engendre dans une oligarchie l’affrontement des oligarques et des classes pauvres, « Les pauvres, victorieux de leurs ennemis, massacrent les uns, bannissent les autres et partagent également avec ceux qui restent le gouvernement et les magistratures ».

La liberté dégénère au mépris de lois, en licence et désordre. « Ils traient la pudeur d’imbécilité,….,honnissent la tempérance qu’ils appellent lâcheté ».  A cet état succède logiquement la tyrannie.

 Le plus grand défaut de la démocratie est d’ignorer la compétence politique et de lui substituer le tirage au sort. Tous les hommes peuvent-ils ou veulent-ils participer à la gouvernance ? Tous sont-ils naturellement vertueux ? Platon ne le pense pas, la vertu s’enseigne et sans elle, pas de justice possible. «Ainsi Périclès, le père des  jeunes gens que voici…, quant à ce à quoi il excelle…,ils passent en liberté comme bétail sacré, leur rencontre de cette nature étant laissée au hasard » (Protagoras 319a). Dès lors il faut sélectionner ceux qui possèdent des aptitudes à participer à la chose publique et les éduquer pour ce faire. La politique ne peut donc être laissée au hasard de l’opinion laquelle est changeante, relative, fondée sur le désir et non en raison. Dans la démocratie aucune limite, loi, hiérarchie ne freine les désirs individuels ni ne sont acceptés. La démocratie vire en cette démagogie dont les sophistes savent tirer profit. 

Dans la suite de son œuvre à savoir « Le Politique » et « Les Lois » Platon manifeste une confiance grandissante dans celles-ci, de sorte que leur observance devient un critère supplémentaire de classement des constitutions. Mais si elles ont pour défaut d’être immuables et de ne pas s’appliquer à la variété des cas, elles demeurent les garantes de la justice grâce à leur pouvoir absolu. Dès lors la royauté et l’aristocratie sont des régimes légaux contrairement à l’oligarchie et à la tyrannie. Quant à la démocratie, elle devient le meilleur des régimes lorsque les autres sont déréglés tandis « qu’elle est le pire lorsqu’ils sont bien ordonnés » (« Politique ».303.b). Cependant  "les Lois » à la différence de « La République », elles ne tiennent plus pour possible la réalisation de la cité idéale laquelle n’existe que pour les Dieux.  

Comme on l’a déjà évoqué avec Popper, la philosophie politique de Platon fut l’objet de bien des débats puisqu’il posait comme principe que le philosophe doit gouverner. La philosophie s’avérant la seule source de légitimité du pouvoir, l’Etat est de facto antidémocratique, autoritaire et élitiste. En ce sens comme l’écrit Monique Canto Sperber « L’Etat platonicien de « La République » serait non seulement autoritaire mais aussi « totalitaire » car il supprime tout débat, tout désir et toute opinion laquelle est fort mal placée dans la « Théorie de la connaissance au livre VI de la République ».

Pour Platon c’est l’idéal qui doit être le critère d’évaluation des Etats et non pas les réalisations de ceux-ci. 

Privé de désir, d’opinions, de liberté, l’homme est réduit à être une marionnette dont on ne peut guère espérer d’efficacité ni d’engagement dans une Cité où tout est déjà calibré. Et même si Platon reconnait que la démocratie est «le meilleur régime imparfait pour des êtres imparfaits », il lui préfère la constitution de Sparte, mélange d’éléments monarchiques (2 rois), oligarchiques (la gerousie = Sénat 28 magistrats. Pouvoir législatif), tyrannique (5 éphores) et démocratiques ( 6000 participants à l’ecclésia contrôlée par 5 éphores élus par l’assemblée des citoyens).  

Ainsi Sparte, comme la Crète, semble avoir réalisé un mixte de liberté et d’autorité, d’égalité et de hiérarchie, de décisions et de surveillance régulatrice. Cette idée fera son chemin puisqu’on la retrouvera dans le «De Republica » de Cicéron qui reprendra l’analyse platonicienne des "Lois" ainsi que dans la constitution romaine sous la triple forme : démocratie (droits légitimes du peuple) ; aristocratie (compétence du Sénat) ; monarchie (pouvoir royal des consuls). L’enjeu sera d’éviter la tyrannie de l’un ou l’autre pouvoir ce qui demeure aussi l’un des soucis de nos Etats. Enfin retenons que l’exigence morale de Platon à l’égard des gardiens se retrouve actuellement (les scandales en font foi) comme gage de stabilité. Mais là encore restons prudents quant à ce qu’on entend par morale.

 En résumé « La République » de Platon n’est pas une démocratie, car si le philosophe roi a bien en vue l’intérêt général, c’est sans la participation du peuple à l’action politique.

L’individu du reste n’a pas de droits, ceux-ci s’avérant inutiles puisque le roi veille à la justice qui se définit comme l’harmonie des parties de la Cité et de leurs vertus. 

Les « classes » sont cloisonnées, les fonctions inamovibles, le pouvoir concentré aux mains des gardiens et cet ordre est à la fois le modèle et la réalisation de la justice laquelle s’incarne en l’individu sous la forme tripartite : raison – cœur - désir // sagesse – courage - tempérance, à raison de sa nature. Ce verrouillage s’explique en partie par les circonstances historiques, mais aussi par la méfiance de Platon à l’égard d’une démocratie qui a assassiné Socrate. 

Plus philosophiquement elle tient au fait que Platon fonde la politique sur une métaphysique paradigmatique. Ce faisant les principes de la démocratie : conflit – liberté – droits individuels – liberté sont sujets à méfiance.

 La gestion de la Cité doit revenir aux sages gardiens éduqués pour ce faire et convaincus du caractère absolu et parfait des « Lois » seules à même de contraindre la nature ou plutôt à en arracher l’homme.

 On a souligné à plusieurs reprises le caractère utopique de « La République », à moins qu’il ne s’agisse d’une dystopie car la menace totalitaire est bien réelle et même si c’est en vue de l’intérêt commun, peut-on au nom de celui-ci et dans un souci d’ordre égalitaire priver l’individu de liberté ? Kant s’en souviendra lorsqu’il s’interrogera sur la compatibilité de la sécurité et de la liberté qu’avait déjà illustrée la Fontaine « Dans le chien et le loup ».

 

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ANASTASIA CHOPPLET

CONFERENCIERE ET PHILOSOPHE

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